Soixante ans après, la vérité officielle se met au niveau de la vérité des faits. Ce samedi, au pied du pont de Bezons à Colombes (Hauts-de-Seine), là où des centaines de manifestants algériens pour l’indépendance avaient été tués et noyés le 17 octobre 1961 par la police, les mots d’Emmanuel Macron étaient attendus au tournant. Il n’y en aura pas de prononcés, seulement un communiqué de l’Elysée. Qui reconnaît, enfin, «les crimes commis cette nuit-là sous l’autorité de Maurice Papon», des crimes «inexcusables pour la République» : la police a bien massacré des manifestants algériens ce jour-là. C’est un pas de plus, important, lancé par le président de la République après celui engagé par François Hollande en 2012, qui avait jugé le massacre comme une «sanglante répression».
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Emmanuel Macron s’est ainsi entretenu avec des proches des victimes et a déposé en milieu d’après-midi une gerbe sur les berges de la Seine, là où des manifestants algériens, qui arrivaient du bidonville voisin de Nanterre à l’appel de la branche du FLN installée en France, avaient été pris pour cibles par les forces de l’ordre. «La France regarde toute son histoire avec lucidité et reconnaît les responsabilités clairement établies. Elle le doit d’abord et avant tout à elle-même, à toutes celles et ceux que la guerre d’Algérie et son cortège de crimes commis de tous côtés ont meurtris dans leur chair et dans leur âme», ajoute l’Elysée dans son communiqué. «Des tirs à balles réelles se sont produits à cet endroit et des corps ont été repêchés dans la Seine», avait déjà rappelé vendredi l’Elysée pour expliquer le choix de ce lieu de commémoration de la répression, dont le nombre de morts est estimé par les historiens à au moins plusieurs dizaines. Le bilan officiel n’en dénombrant que trois.
Contexte tendu entre Paris et Alger
Emmanuel Macron, premier président français né après la Guerre d’Algérie achevée en 1962, est aussi «le premier de la Ve République à se rendre sur un lieu de mémoire où se tiendra cette commémoration», selon l’Elysée. Après la remise en janvier du rapport de l’historien Benjamin Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie (1954-62), le chef de l’Etat s’était engagé à participer «à trois journées commémoratives et emblématiques» : la première a eu lieu le 25 septembre, journée nationale d’hommage aux Harkis, la seconde ce samedi et la troisième le 19 mars pour les soixante ans des Accords d’Evian qui ont mis fin à la Guerre d’Algérie.
Cette cérémonie se déroule dans un contexte tendu entre Paris et Alger, après des propos de Macron qui accusait le système «politico-militaire» algérien d’entretenir une «rente mémorielle» en servant à son peuple une «histoire officielle» qui «ne s’appuie pas sur des vérités».
Un certain nombre d’événements commémoratifs sont prévus également dimanche en Seine-Saint-Denis, dont Bagnolet, Montreuil, Noisy-le-Sec où une affiche de l’artiste Ernest Pignon-Ernest, représentant les mains d’un noyé et portant les mots «un crime d’Etat, Paris le 17 octobre 1961», doit être installée dimanche sur la façade d’un immeuble.