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Mort de Le Pen

A Angers : «Le Pen est mort mais il reste une idéologie à anéantir»

Comme dans plusieurs autres villes de France, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées dans le centre-ville d’Angers à l’appel de la gauche militante antifasciste pour «fêter» la mort du fondateur du RN à 96 ans.
Un rassemblement antifasciste place du Ralliement à Angers mardi soir, pour fêter la mort de Jean-Marie Le Pen. Une centaine de personne est rassemblée pour boire un verre à la mort du fondateur du Front National décédé le jour même. (Théophile Trossat/Libération)
par Maxime Pionneau, Correspondant à Angers
publié le 8 janvier 2025 à 7h27

«Jean-Marie Le Pen est enfin mort, fêtons ça tou·te·s ensemble.» Quelques heures après l’annonce du décès du fondateur du Front national à 96 ans, mardi 7 janvier, l’affiche a commencé à tourner sur les réseaux sociaux de la gauche militante d’Angers. On y voit le père de Jean-Marie Le Pen serrer les deux poings, comme s’il se réjouissait de sa propre mort. Rendez-vous était fixé pour 20 heures, sur la place du Ralliement. Des rassemblements similaires étaient organisés un peu partout en France – de Paris à Rennes, en passant par Lyon ou Saint-Brieuc.

«Lui, c’est différent»

Question rhétorique : peut-on se réjouir de la mort d’un homme, fût-il – entre autres – l’auteur probable de tortures en Algérie et le refondateur d’une extrême droite française dont le parti a compté parmi ses créateurs des anciens Waffen-SS ? A cette question, les près de 80 personnes rassemblées dans la ville du Maine-et-Loire sous une pluie fine répondent par l’affirmative. «Normalement, je ne fête pas la mort d’un être humain, mais lui, c’est différent», témoigne l’un d’eux, le visage encapuchonné. Plusieurs véhicules de police scrutent à distance le rassemblement.

Porosité

Face à l’omniprésence de l’extrême droite et de ses idées dans le champ politique et médiatique, cette mort semble faire office de catharsis pour les personnes présentes. «Il a quand même représenté la haine, le racisme, l’islamophobie, l’homophobie», liste Elliot, 24 ans, un pull du film la Haine sur le dos. «C’est un événement historique», juge Antoine, 30 ans. «Mes yeux sont secs», ajoute Jauad, 19 ans. Posée sur un banc, une petite enceinte crache la chanson Porcherie du groupe punk Bérurier noir. Il y a aussi un magnum de vin rouge et des gobelets en plastique. Pépé, 30 ans, sourit : «Je suis content, comme quand on a gagné la Coupe du monde !»

Dans une ville marquée par l’implantation de groupuscules d’extrême droite, cette mort a une saveur particulière. Entre 2017 et 2023, l’Alvarium, puis le Rassemblement des étudiants de droite (Red) ont occupé le terrain. Symbole de la porosité entre l’extrême droite violente et le parti à la flamme tricolore, l’ex-porte-parole de l’Alvarium, Jean-Eudes Gannat, a été candidat à deux élections, en 2014 et 2015, sous l’étiquette Front national. Son père, Pascal Gannat, a été le directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen entre 1988 et 1992. Tous deux avaient depuis pris leurs distances avec le parti, mais pas avec le fondateur du FN.

Pour les sympathisants de gauche présents ce mardi soir à Angers, ce décès semble enterrer une époque où l’extrême droite était vraiment jugée infréquentable. Un enterrement dans la joie, la détermination et l’inquiétude. «C’est la fin de quelque chose», souffle Lauriane, 19 ans. Entre deux slogans antifascistes, la petite foule scande en chœur des «Il est mort, il est mort, il est mort». Nathan, un étudiant de 25 ans, ne cède pas à l’euphorie du moment : «Il est mort, mais il reste toute une idéologie et tout un combat à mener pour l’anéantir.»