Menu
Libération
Reportage

A Bram, autour de Carole Delga, «la gauche du courage» tacle la «gauche d’estrade»

La présidente socialiste de la région Occitanie a rassemblé ce samedi près de 2000 personnes dans la petite ville de l’Aude, mettant en scène une «majorité de gauche» qui ambitionne d’élargir son électorat, en s’adressant aux classes populaires qui ont fui le PS, mais aussi au monde rural.
Carole Delga et Raphaël Glucksmann à Bram, samedi 28 septembre 2024. (Ulrich Lebeuf/Myop. Libération)
par Stéphane Thépot, correspondant à Toulouse
publié le 28 septembre 2024 à 21h00

«Raphaël, Valérie, François, Karim, rejoignez-moi pour montrer qu’on est une équipe !» lance Carole Delga à la fin de son discours. Le soleil commence à décliner sur le grand parc arboré de Bram, la petite ville de l’Aude entre Toulouse et Carcassonne où la présidente socialiste de la région Occitanie a rassemblé ce samedi un peu plus de 2000 personnes. Raphaël Glucksmann, François Hollande, Karim Bouamrane, Valérie Rabault, et tous les invités de l’édition 2024 de ces «rencontres de la gauche» qu’elle organise chaque année remontent sur scène alors que retentit la Marseillaise. Sauf Bernard Cazeneuve, déjà reparti. Cintré dans une veste de chasse rouge, l’ancien Premier ministre de François Hollande, qui est attendu dimanche auprès de François Bayrou a l’université de rentrée du Modem, a fait un passage remarqué cette année à Bram, alors qu’il n’était présent qu’en visioconférence en 2023.

Pour Carole Delga, ces rencontres sonnent «le réveil de la gauche du courage, de la gauche de gouvernement». Elle déclare se méfier des «effets de manches sur estrade qui n’ont jamais transformé la vie des gens». Avant elle, Raphaël Glucksmann invitait déjà à abandonner «le léninisme d’estrade» en précisant que ce n’était pas l’apanage de La France insoumise. «Citer trois fois Rosa Luxembourg en jouant à plus à gauche que moi, tu meurs, ça peut marcher dans une AG mais pas dans la population», avertit le leader de Place publique. L’entretien croisé du député européen et de la présidente de région sur la scène a constitué le morceau de résistance de la journée, juste après l’incontournable cassoulet servi à plus de 2 300 convives sous des barnums. L’échange a même éclipsé l’intervention de François Hollande, venu assurer la promotion de son dernier livre. L’ancien président de la République dissertait de politique internationale et de l’importance des élections américaines sur l’avenir de l’Europe devant un public légèrement assoupi pendant la digestion quand l’ancienne tête de liste aux élections européennes a fait son apparition, suscitant un petit mouvement de foules. «Carole Delga prévoit tout, même les entrées et les sorties», a alors plaisanté François Hollande en interrompant son laïus pour accueillir l’invité vedette.

Sur scène, Carole Delga fait applaudir les 13 % réalisés par la tête de liste choisie par le PS pour les élections européennes. «Les électeurs ont repris l’espoir, nous sommes une majorité de gauche». Modeste, Raphaël Glucksmann rétorque qu’il ne s’agit pas seulement de «rééquilibrer la gauche», mais qu’il faut aussi «élargir son socle». Le leader de Place Publique ne craint pas de heurter son public en rapportant avoir croisé durant sa campagne «des électeurs qui ne peuvent plus saquer la gauche». Comment reconquérir cet électorat populaire qui s’est tourné vers le Rassemblement National ? La question, lancinante, a traversé tous les débats à Bram.

Pour Raphaël Glucksmann, «on doit répondre aux questions que l’Europe ne traitait pas jusqu’à présent». Le logement et l’énergie sont à ses yeux les deux domaines prioritaires, tant ils impactent le pouvoir d’achat. Carole Delga réclame de son côté une réforme de la PAC pour que les aides servent non plus «le gigantisme agricole», mais les petits agriculteurs comme Jérôme Bayle. L’éleveur qui avait pris la tête de la contestation agricole l’hiver dernier en Haute-Garonne partageait la scène de l’un des ateliers de la matinée aux côtés de Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen. Raphaël Glucksmann approuve et dénonce «l’immense entourloupe de la captation de la colère agricole» par la droite et l’extrême droite européenne «qui défendent les industriels, pas les paysans».

La présidente de la région Occitanie veut s’adresser en priorité à la France rurale qui se sent «méprisée par les élites parce qu’elle aime les barbecues et la chasse», mais sans oublier la France des banlieues et les profs qui manquent plus cruellement encore dans les lycées du 93. Puis, Carole Delga improvise une grande envolée historique aux accents espagnols sur la République «que l’on a vu tomber de l’autre côté des Pyrénées». Avant de conclure, sur une touche d’optimisme : «la France ne croit plus à l’homme providentiel et les Français ont dit non à une héritière.» Pour Raphaël Glucksmann, s’il y a eu un vainqueur des dernières élections législatives, c’est «le Front Républicain du deuxième tour qui a montré que la République produisait encore des anticorps». Mais attention, prévient le député européen, «c’était un pistolet à un coup».