Ségolène Royal a une passion dans la vie : distiller ses conseils. Depuis qu’elle n’a plus les mains dans la politique au quotidien, et alors que le premier tour de l’élection présidentielle se tient dans moins de deux mois, la socialiste s’exprime à tout-va. Elle n’a jamais vraiment eu sa langue dans sa poche. Mais depuis quelques semaines, ses prises de parole sont particulièrement scrutées. Ségolène Royal se pose en arbitre au-dessus du match et estime, forte de sa qualification pour le second tour de la présidentielle face à Nicolas Sarkozy en 2007, qu’elle a une expérience à transmettre.
Quelques lignes dans le Canard enchaîné ce mercredi ont semé le trouble. «C’est dans l’intérêt du Parti socialiste qu’Hidalgo se retire, car son crash mettrait en péril les parlementaires. Le problème, ce n’est même plus Hidalgo, ce sont les dégâts pour la suite», d’après les propos relevés par le volatile. Avant, à la surprise générale, de se déclarer prête à «apporter son aide» à Valérie Pécresse, si celle-ci «prend ses distances avec la ligne Ciotti». L’objectif de Royal étant, selon ce que rapporte le journal satirique, de «faire gagner une femme républicaine». Hidalgo appréciera. De quoi relancer la question : mais à quoi joue Ségolène Royal ?
«Je prendrais mes responsabilités»
En décembre, à peine la maire de Paris a-t-elle le temps de développer son idée de primaire à gauche que Royal réplique aussitôt : «L’union, ça ne se décide pas comme ça sur un plateau télé. C’est un travail, c’est un respect, c’est un long cheminement.» Avant d’ajouter, avec le plus grand sérieux : «J’ai toujours dit que j’étais disponible si on venait me chercher. S’il y avait une primaire et si mon nom sortait, je prendrais mes responsabilités.» Elle se juge personnellement plus capable d’exercer la fonction. Et savonne consciencieusement la planche d’Anne Hidalgo.
L'édito
L’ex-ambassadrice des pôles n’est pas très fan de la candidate socialiste. Ce n’est pas une surprise. Toujours en décembre, elle l’enjoignait à «se désister en faveur d’un des deux candidats devant elle». En l’occurrence, Jean-Luc Mélenchon ou Yannick Jadot. A longueur d’interviews, Ségolène Royal insiste sur l’union. La seule manière de gagner selon elle. «Si les leaders politiques ne comprennent pas qu’il y a une aspiration des électeurs de gauche à l’union, c’est qu’ils ne sont pas à la hauteur de leurs responsabilités», déclarait-elle sur le plateau de France 2 le 1er février.
«Une bérézina» à venir
Pour autant, la primaire populaire, organisée fin janvier et remportée par Christiane Taubira, ne recueille pas franchement son assentiment. Il y a «des limites» à ce processus, insiste Royal. Elle regrette notamment qu’aucun débat n’ait eu lieu en amont. Dans sa stratégie de femme libre qui s’exprime sur la vie politique avec beaucoup de recul, l’ancienne ministre de l’Ecologie maintient le suspense sur son propre vote. Elle refuse de dire si elle glissera un bulletin pour la candidate de son parti dans l’urne le 10 avril. «Je ne viens pas là pour dire pour qui je vais voter», a-t-elle insisté face à Caroline Roux sur France 2.
Ségolène Royal n’a pas peur des mots. La primaire interne organisée par le PS entre Hidalgo et Le Foll à l’automne ? «Une grave faute.» Le parti «paye aujourd’hui les conséquences de cette décision», estime-t-elle. Chez les socialistes, elle n’est pas la seule à ne plus retenir les coups. Julien Dray et Stéphane Le Foll ont eux aussi exprimé, mercredi, des doutes quant à la fiabilité de la candidature d’Anne Hidalgo et aux chances de voir la gauche triompher en avril. Royal alerte sur les prochaines législatives et anticipe déjà une «bérézina».
Reportage
Les relations entre le PS et la candidate de 2007 sont (très) fraîches depuis longtemps. Il y avait eu le manque de soutien flagrant des éléphants du parti lors de sa candidature à la présidentielle, l’élection contestée de Martine Aubry à la tête du PS en 2008 et l’échec de l’ancienne ministre aux législatives à la Rochelle en 2014 face à un dissident socialiste. En septembre elle avait cherché à obtenir l’investiture du parti pour les élections sénatoriales. Elle ambitionnait de devenir représentante des Français de l’étranger. Les socialistes lui avaient préféré le Franco-Canadien Yan Chantrel. Royal, qui s’était maintenue et avait obtenu 11 voix sur 353 possibles, avait alors dénoncé «une décision de division et d’humiliation inutile». Une fâcherie qui, six mois plus tard, laisse des traces.