Etre ou ne pas être cumulard ? Serpent de mer de la vie politique, le débat autour du cumul des mandats a vigoureusement animé les bancs de l’Assemblée nationale, jeudi 14 mars. Le groupe Horizons y défendait une proposition de loi visant à «renforcer l’ancrage territorial des parlementaires». Porté par Henri Alfandari, député d’Indre-et-Loire, le texte comporte une unique disposition : permettre à un parlementaire de cumuler son mandat à celui d’adjoint ou de vice-président d’un département ou d’une région. Sont exclus, en revanche, ceux de maire ou de président d’une collectivité.
Billet
«L’exercice simultané des fonctions politiques nationales et locales est un ajustement subtil, mais essentiel à la Vème République, plaide à la tribune Henri Alfandari. Le cumul n’est pas un gros mot, c’est une spécificité de la culture française. En coupant les racines locales des parlementaires, nous avons fait vaciller l’écosystème fragile de notre édifice républicain.» Interdit dans la loi en 2014 (appliqué depuis 2017), le sujet du cumul des mandats agite chaque camp politique. Pour la formation dirigée par Edouard Philippe, partisan de l’ancrage local de ses troupes, le sujet est un marqueur.
La gauche fustige la «nostalgie des baronnies locales»
Voilà pour le décor. En cuisine (parlementaire), la soirée est plus que turbulente. Lors d’une niche, le groupe à l’initiative dispose d’un temps limité : une journée. A minuit, c’est terminé. Chacun regarde donc l’horloge tourner. Et il existe un paquet de moyens pour gagner du temps : réclamer des suspensions de séance, demander un rappel au règlement, multiplier les prises de parole… Dans l’hémicycle, les élus de la Nupes ne se privent pas. D’autant plus qu’ils sont minoritaires, face à Horizons, la droite et le Rassemblement national, favorables au retour du cumul. Le groupe socialiste dégaine donc à quelques minutes du gong final une palanquée de sous-amendements, histoire de ralentir le débat. Insoumis, écologistes et socialistes pilonnent en même temps le cumul, un «retour en arrière», synonyme à leurs yeux de pratiques éculées. Le député écologiste Charles Fournier pointe la «nostalgie des baronnies locales». «Vous voulez transformer le député en potentat local qui monnaie ses voix en fonction des services rendus», gronde aussi Alexis Corbière (LFI).
Peu emballé par l’idée du retour du cumul, le groupe Modem met aussi son grain de sel, à coup de suspensions de séance. «C’est moche», peste-t-on alors sur les bancs Horizons. Les députés Renaissance, eux, brillent par leur absence. La majorité des macronistes sont défavorables au cumul. Rares sont ceux, comme Karl Olive (Yvelines), à le réclamer. Chez Horizons, l’agacement pointe sérieusement. «On assiste à une tentative de tumulte, d’obstruction de la part de députés qui ne veulent pas aller au vote», grince Naïma Moutchou, élue du Val-d’Oise et vice-présidente de l’Assemblée. Juste avant elle, le patron du groupe, Laurent Marcangeli, suscite la bronca de la gauche en lançant à ses collègues : «Réfléchissez un peu et agissez avec votre cœur et votre cerveau, ça changerait un peu !» Ancien député UMP, il a pourtant voté l’interdiction du cumul en 2014. Le gouvernement, lui, se fait plus que discret. Au banc, la ministre chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure, empile les avis de «sagesse» (ni pour, ni contre). Des avis de «mollesse», moque Boris Vallaud, chef de file des socialistes. Minuit sonne. Et le vote n’a pas lieu.