Une énième motion de censure en mousse pour le gouvernement. Sans surprise aucune, Elisabeth Borne a surmonté cette épreuve parlementaire, dans la nuit de vendredi à samedi 21 octobre, après avoir dégainé son treizième 49.3, mercredi, pour faire adopter sans vote le premier volet du budget 2024. Les deux motions, respectivement la 19e et la 20e, portées par les groupes le Rassemblement national et la France Insoumise, ont donc été rejetées. La première n’a recueilli que 89 voix sur les 289 nécessaires ; la seconde 219. Insuffisant pour censurer le gouvernement Borne.
Désormais banalisées au Palais-Bourbon, les motions de censure n’ont pas mobilisé les foules dans l’hémicycle. «On a abîmé l’outil, regrettait cette semaine un conseiller de groupe. Sous la précédente législature, quand on déposait une motion, c’était un moment important de la vie parlementaire. Ça reste un outil de riposte. Mais politiquement, il est démonétisé.»
Dans l’hémicycle, Elisabeth Borne a renvoyé dos à dos «l’extrême droite» et «l’extrême gauche», leur «même culture de la démagogie» et de «l’outrance». «Engager la responsabilité du gouvernement ne se fait jamais ni avec légèreté ni par facilité. Je le fais par devoir», a affirmé la Première ministre, «parce que la France ne peut pas se passer d’un budget».
Le président LFI de la Commission des Finances, Eric Coquerel, a dénoncé pour sa part l’utilisation «sans relâche» du 49.3, «vestige autoritaire» d’une «Ve République dépassée» et «dysfonctionnelle», «irrespectueuse des pouvoirs» du Parlement. Le député insoumis reproche au gouvernement d’écarter les «amendements les plus significatifs» comme la «taxe sur les superdividendes» ou la «taxe sur les rachats d’actions» des grandes entreprises, que proposait le MoDem, allié du camp présidentiel, et qui avait été adoptée en commission.
La députée RN Alexandra Masson a, elle, critiqué un «budget indigent et irréaliste». Elle a pointé du doigt l’indemnité carburant, «un énième chèque gadget de 100 euros», en appelant le gouvernement à «baisser les taxes».
«Crise démocratique»
Le rejet des deux textes vaut adoption en première lecture du volet recettes du projet de loi de finances. Faute de majorité absolue, le gouvernement devrait de nouveau user du 49.3 ces prochains jours, pour la poursuite de l’examen du budget. Une dizaine de fois même, selon les va-et-vient de la navette parlementaire. Une deuxième cartouche pourrait ainsi advenir dès mardi 24 octobre, alors que sera débattu en séance le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Le budget de la Sécurité sociale a déjà été rejeté vendredi en commission des affaires sociales. «Évidemment le gouvernement ne cherchera pas à amender son projet de loi pour trouver une majorité. 49.3 en vue. Nous nous enfonçons dans une crise démocratique», a réagi vendredi Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste.
A gauche, comme lors de la session précédente, l’opportunité de déposer une motion après chaque 49.3 fait débat. Plus encore dans la période de turbulences que connaît la Nupes, après le refus des Insoumis de qualifier le Hamas de mouvement terroriste. La motion du groupe de Mathilde Panot, rejetée dans la nuit de vendredi à samedi, n’avait ainsi récolté que 14 signatures de députés écologistes (sur les 23 que compte le groupe) et 14 communistes (sur 22). Ni la présidente du groupe écolo, Cyrielle Chatelain, ni André Chassaigne, chef de file des communistes, ni le patron du PCF Fabien Roussel n’ont signé. Les socialistes n’avaient pas non plus signé.
Le Rassemblement national, de son côté, avait dénoncé une «absence totale de respect pour le débat» au Parlement. La présidente du groupe, Marine Le Pen, avait surtout enjoint les députés Les Républicains à soutenir sa motion, faute de quoi leur opposition serait «stérile». Au sein du groupe LR, les chefs se refusent pour l’heure de faire tomber le gouvernement, du moins sur le budget. «Déposer une motion de censure veut dire disposer d’une majorité alternative pour faire adopter notre budget», justifiait cette semaine la députée du Doubs et numéro 3 du parti, Annie Genevard. Présentant son contre-budget mardi au siège du parti, le chef de la droite Eric Ciotti expliquait de son côté qu’il se voyait «mal aller discuter de ce contre-budget avec M. Mélenchon».