Majorité relative oblige, les «niches» sont devenues de véritables chausse-trappes pour le camp présidentiel. Ces journées spéciales, réservées à un groupe parlementaire pour qu’il présente les textes de son choix, regorgent de textes piégeux et souvent médiatiques, grâce auxquels les oppositions infligent des camouflets aux députés macronistes. Ces derniers ont déjà coché sur leur agenda le jeudi 30 mai, journée consacrée aux communistes, et qui s’annonce un poil rugueuse pour eux. Le groupe d’André Chassaigne a prévu d’y présenter une proposition de résolution portant sur la procédure de ratification du Ceta. Ce traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, conclu en 2014, n’a jamais été ratifié par le Parlement, bien qu’appliqué provisoirement depuis 2017. Le signe d’un «déni de démocratie», selon Fabien Roussel, député du Nord et secrétaire national du PCF.
«Attachement aux règles démocratiques»
Roués aux subtilités parlementaires, les communistes vont donc tenter de rejouer un coup politique, déjà gagnant pour eux au Sénat. Le 21 mars, les sénateurs communistes avaient utilisé leur niche pour inscrire à l’ordre du jour le traité de libre-échange. Voté de justesse à l’Assemblée en 2019, il n’avait jamais été transmis au Sénat par le gouvernement, comme le prévoit habituellement la navette parlementaire. Tricotant avec la procédure du Parlement, les communistes avaient donc mis sur la table le sujet. Et récolté le soutien des oppositions : à l’issue d’une séance tendue, une improbable alliance entre la gauche et la droite sénatoriale avait permis de rejeter le projet de loi de ratification du Ceta. «Le débat aujourd’hui a donné un très mauvais coup à notre amitié avec le Canada et à notre économie française», avait alors ruminé Franck Riester, le ministre délégué au Commerce extérieur, quelques jours avant un voyage officiel du Premier ministre Gabriel Attal à Ottawa. Fâché, Riester avait annoncé quelques jours plus tard que le texte ne serait pas déposé à l’Assemblée avant les européennes du 9 juin. Une manière d’éviter, pour le gouvernement, de se ramasser une nouvelle fois. Du moins en théorie.
Car devant la presse ce mardi matin, le président du groupe communiste à l’Assemblée, André Chassaigne, a ressorti le dossier, pour mieux tenter de l’enterrer une seconde fois. «Si le texte n’entre pas par la grande porte, on le fera entrer par la fenêtre !» a rusé l’élu du Puy-de-Dôme. Et de promettre : «On discutera malgré ce déni de démocratie.» Selon le député auvergnat, ce traité de libre-échange «touche à la souveraineté alimentaire», sujet brûlant, plus encore après la crise agricole du début d’année. Une bonne raison pour le soumettre au débat parlementaire, avancent les communistes. Dans l’hémicycle, ils défendront donc le 30 mai une proposition de résolution qui «permettra de signifier au gouvernement l’attachement de la représentation nationale au respect des règles démocratiques inscrites dans notre Constitution, et sa volonté de poursuivre la navette parlementaire», indique le groupe.
Alliance baroque
A l’Assemblée, les députés Les Républicains pourraient emboîter le pas de leurs collègues sénateurs et – une fois n’est pas coutume – accompagner les communistes. C’est ce que laisse déjà entendre un député ayant le nez dans le sujet. «On peut voter la résolution», confirme un cadre LR. Même chose au Rassemblement national ? «Nous sommes contre le Ceta, indique Grégoire de Fournas, député RN de la Gironde. D’une façon générale, nous votons tout ce qui va dans le bon sens, même si cela vient de la gauche.» Une nouvelle alliance baroque, susceptible d’administrer un autre coup de griffe à l’exécutif. Et ce, dix jours avant le scrutin européen.