Une formalité réglée à la va-vite. Dans un hémicycle déserté, les députés ont rejeté lundi 5 février la première motion de censure visant Gabriel Attal et son gouvernement, avec 124 voix – loin des 289 requises pour être adoptée et entraîner la démission du gouvernement. Seuls les insoumis, socialistes, communistes et écologistes présents ont voté le texte, défendu par Manuel Bompard LFI. Ceux-ci en avaient fait un vote de «défiance», alors que le nouveau Premier ministre n’avait pas sollicité la confiance de l’Assemblée nationale après sa nomination. Si les députés de gauche ont pris un train plus tôt, lundi matin, ceux de droite et d’extrême droite sont restés en circonscription. Le groupe Les Républicains n’a même pas pris la peine d’envoyer un orateur… Et côté Rassemblement national, Marine Le Pen, arrivée pour la fin du match, se contente de toiser l’assistance les bras croisés.
Face à cette machine tournant à vide, la majorité n’a pas non plus fait l’effort de battre le rappel. Une petite dizaine de députés Renaissance, une Horizons, se sont dévoués pour soutenir le nouveau chef du gouvernement dans ce qui ne ressemble pas franchement à une épreuve. «Les Franciliens sont au taquet», rigole un élu, un peu seul à son banc. Deux députés Modem ont, eux, vite filé. Dix ministres, venus faire acte de présence, écoutent vaguement les interventions, préférant potasser leurs dossiers.
A lire aussi
S’adressant à ses rangs dégarnis, Gabriel Attal choisit d’anesthésier le moment en tentant de décrédibiliser l’initiative de la gauche. «Une motion de censure préventive», balaie le Premier ministre, qui accuse la gauche d’avoir déposé son texte avant la fin de sa déclaration de politique générale, mardi dernier. «Comme si tout ce qui comptait c’était le petit coup politique, la recherche de l’instabilité ou la promesse de l’obstruction», critique-t-il, déplorant un «pied de nez à toute volonté de dialogue». En détaillant sa feuille de route, lui-même, plus soucieux de démontrer sa capacité à obtenir fissa des résultats tangibles, n’avait pas affiché sa détermination à construire patiemment des coalitions au sein du Parlement.
Là où Élisabeth Borne, avant d’enchaîner les recours à l’article 49.3, s’était dépeinte en «infatigable bâtisseuse de compromis» et promettait d’élaborer des «majorités de projets», son successeur, lui aussi en majorité relative, était passé vite sur sa méthode pour toper avec les oppositions, préférant foncer par la voie réglementaire dès que cette option sera possible. Tout en cognant sur les députés «partisans de la censure permanente», Gabriel Attal formule quelques vœux pieux, sans convaincre : «Je répondrai toujours présent», «je m’engage à toujours garder ma porte ouverte», «à toujours respecter le Parlement et le débat d’idées». «Dialogue», «écoute», «discussion», contre «blocage, blocage, blocage». Une riposte en dix minutes chrono, emballé, c’est pesé. «C’était assez faible !», balance le député LFI Alexis Corbière.
«Le doux visage de la brutalité sociale»
L’écoute du Premier ministre ne vaut pas pour les orateurs suivants. Sitôt rassis, celui-ci papote, plaisante, montre une photo sur son téléphone à Rachida Dati et Marie Lebec, ses ministres de la Culture et chargée des Relations avec le Parlement. Au point de vexer Boris Vallaud, qui, depuis la tribune, poursuit son intervention, «toujours dans l’indifférence, puisque vous continuez de discuter avec vos voisins de derrière». Le socialiste en profite pour roder quelques punchlines, éreintant le chef du gouvernement et son (déjà) «mauvais bilan» sur sa gestion de la crise agricole : «Bal tragique à Matignon, deux morts : l’agriculture et la santé», «vous n’êtes pas le Premier ministre des classes moyennes, mais celui des classes affaires», etc. Avant lui, Manuel Bompard teste lui aussi quelques répliques contre la macronie repeinte en «caste privilégiée à combattre». «Vous êtes le doux visage de la brutalité sociale», décoche l’élu de Marseille, listant la restriction des allocations-chômage, la hausse des prix de l’électricité et des franchises médicales ou la «remise en cause du Smic». Et le député LFI d’appeler à la censure «pour protéger le peuple des souffrances que vous voulez lui infliger». Une charge troussée en sept minutes. Même l’orateur de la motion ne s’éternise pas.
De son côté, l’extrême droite se targue à nouveau d’avoir eu raison avant tout le monde. Réindustrialisation, nucléaire, défense des classes moyennes… «Avec vous à Matignon, nos victoires idéologiques s’accélèrent», parade Jean-Philippe Tanguy. Le député mariniste se vante encore d’un «triomphe intellectuel sur l’école», allusion à l’interdiction de l’abaya décrétée par Attal lors de son éphémère passage à l’Education nationale. Seule la macroniste Nadia Hai proteste. «Ferme-la !», lui adresse en retour Marine Le Pen. Au Palais-Bourbon, Élisabeth Borne avait dû repousser 31 motions de censure, la routine virant à la déprime. Son successeur a abordé sa première avec un brin de légèreté, levant les bras au ciel après l’annonce des résultats par Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée. Une gestuelle pour renvoyer les oppositions à cette même impasse : il n’existe pas de majorité pour le renverser. Comme il n’y avait pas non plus de majorité pour l’adouber.