Menu
Libération
Recomposition

A l’Assemblée, un embryon de groupe «social-démocrate» acte la fin du «dépassement» de Macron

Des macronistes de la première heure ont annoncé ce mercredi 23 octobre le lancement d’un collectif censé attirer des déçus du «socle commun» gouvernemental et des «frondeurs» socialistes anti-LFI.
Stella Dupont et Sacha Houlié, à l'Assemblée nationale fin 2023. (Vincent Isore/IP3)
publié le 23 octobre 2024 à 17h39

Ceci n’est pas un groupe. Du moins pas encore. Appelez donc ça un collectif. Rescapés de la dissolution, une poignée de macronistes, emmenés par Sacha Houlié, et soutenus par des socialistes en rupture avec le parti, tentent depuis des semaines de mettre sur pied un douzième groupe parlementaire à l’Assemblée. L’entreprise a accouché d’un «collectif social-démocrate», dont l’idée est de rassembler une «sensibilité de centre gauche […] dispersée dans l’hémicycle», selon Stella Dupont, députée du Maine-et-Loire. Figure de l’aileron gauche de la macronie, l’élue a quitté le groupe Ensemble pour la République (EPR) début octobre, froissée par la composition du gouvernement de Michel Barnier, et en désaccord sur le sujet de la fiscalité.

Ledit collectif, qui compte une vingtaine de membres, entend défendre des amendements communs lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025. Une dizaine d’amendements a été travaillée, lors de réunions hebdomadaires du collectif, le mercredi, visant notamment à taxer les dividendes ou à augmenter le taux de la taxe sur les transactions financières, le tout dans «une logique qui vise à demander davantage aux plus fortunés […] sans matraquage fiscal», dixit Stella Dupont, qui siège désormais avec les non-inscrits. «On souhaite réduire l’effort demandé à tous les Français», complète l’élue du Maine-et-Loire, précisant que le «collectif» s’oppose à la taxe sur l’électricité et au report de l’indexation des retraites, deux points urticants du budget du gouvernement.

«Il n’y a pas de fronde au groupe socialiste»

Parmi les signataires de ces amendements communs, figurent donc les ex-macronistes Sacha Houlié et Stella Dupont, des élus EPR, comme Eric Bothorel, Lionel Causse, Stéphane Buchou, Marie-Pierre Rixain, des apparentés EPR (Belkhir Belhaddad, Eléonore Caroit ou Stéphane Travert), des Liot (Harold Huwart, Martine Froger, Laurent Panifous, David Habib, David Taupiac), et un Modem (Hubert Ott). Soit 15 députés, pile-poil le seuil pour constituer un groupe… Les cadres du collectif assurent que des députés siégeant parmi les socialistes sont aussi dans le coup, mais gardent leurs noms aussi secrètement que la recette du Coca-Cola… «Il y a des frondeurs socialistes», croit savoir une collaboratrice d’un parlementaire EPR, membre du collectif. «Compte tenu du nombre de députés macronistes qui se revendiquent de l’aile gauche depuis deux ans, il est étonnant qu’ils n’aient pas encore réussi à constituer un groupe de seulement 15 députés parmi eux», tique un conseiller PS, réfutant toute «fronde» dans le parti.

Spectateurs des divisions guettant chaque camp au Palais-Bourbon, ces députés espèrent surtout exfiltrer des collègues déçus. Soit venant du «socle commun» soutenant Michel Barnier, soit des camps socialiste ou écologiste, en rupture avec la logique unitaire du Nouveau Front populaire. «Ça va grossir tout seul», veut croire Laurent Panifous, député Liot (tendance socialiste) de l’Ariège. «La différence avec le bloc central, c’est qu’on est d’accord sur le fond», vante aussi Houlié.

«Il faut revenir à quelque chose de clair»

Tous actent d’une même foi : la fin du «dépassement», maître mot d’Emmanuel Macron en 2017. «La dissolution, c’était la clarification», plante Houlié, regrettant la «confusion» qu’a entretenue l’effacement du clivage entre la droite et la gauche. «Il faut arriver à une autre étape du dépassement. Gauche et droite restent structurantes, un repère pour les Français. Le dépassement trouble et perd tout le monde. Il faut revenir à quelque chose de clair», abonde Dupont. Qui ajoute : «Il faut passer du dépassement à l’esprit de coalition.»

A l’Assemblée, cet attelage se voit comme un relais parlementaire, un porte-voix complémentaire des figures sociales-démocrates opposées à l’alliance avec la France insoumise. Une «dream team», dixit Houlié, allant de la patronne d’Occitanie Carole Delga, qui a réuni ses soutiens fin septembre à Bram (Aude), à Raphaël Glucksmann, qui a joué au même jeu début octobre en Gironde, en passant par le maire (PS) de Saint-Ouen Karim Bouamrane, qui a lancé au même moment son mouvement politique. Sans oublier l’ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve, autour duquel ont échangé une cinquantaine de parlementaires, mardi soir à la questure du Sénat. «Avant 2017, on était tous au PS, relève David Habib, député Liot des Pyrénées-Atlantiques. On a considéré aujourd’hui qu’il était temps de recomposer cette gauche de gouvernement. […] Il n’y a pas de destin pour la gauche aux côtés de la France insoumise.» Poids plume en face des deux blocs, central et du NFP, le «collectif social-démocrate» caresse tout de même l’idée de se constituer en groupe. Ce qui, au Palais-Bourbon, est synonyme de moyens financiers, de conseillers, de temps de parole supplémentaires. «C’est une force de travail», convient Dupont, qui ajoute : «On fait le choix de la solidité de nos fondations. On a vu des groupes se constituer et ne pas perdurer.»