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Solidarité

A l’Assemblée, une soirée pour la libération des otages du Hamas : «La seule chose qui pourra nous apaiser un peu»

Guerre au Proche-Orientdossier
En présence de familles de victimes tuées ou retenues par le Hamas, plusieurs responsables politiques et représentants de la communauté juive étaient réunis dans la soirée, mardi 24 octobre, au Palais-Bourbon pour exprimer leur solidarité, dénoncer le terrorisme et réclamer «la paix» entre Palestiniens et Israéliens.
Mardi 24 octobre, Yaël Braun-Pivet, Eric Ciotti ou encore Jérôme Guedj étaient présents à l'écoute du témoignage de survivants de l'attaque du Hamas dans un kibboutz, le 7 octobre. (Albert Facelly/Libération)
publié le 25 octobre 2023 à 8h02

Le 7 octobre, au kibboutz de Nir Oz, Sarah est réveillée par des alarmes «vers 6 heures 30». Une «habitude», dans cette communauté située à moins de trois kilomètres de Gaza. Mais ce matin-là, les messages affluent sur son téléphone. Avec son fils, elle s’enferme dans la chambre de sécurité de sa maison. «Vers 8 heures, j’ai entendu la porte de ma maison s’ouvrir. J’ai entendu des pas.» Les combattants du Hamas sont là, chez elle. L’un d’eux frappe à la porte de la chambre. «Le verrou a tenu. Et puis il est reparti», poursuit Sarah, émue, dans une salle au sous-sol du Palais-Bourbon, mardi 24 octobre. Elle lit son texte face à François Hollande, qui a connu, durant son temps à l’Elysée, les nuits d’horreur du terrorisme. Sont également présents la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, plusieurs membres du gouvernement et dirigeants de groupes parlementaires.

A Nir Oz, ce jour où le Hamas attaque l’Etat hébreu, Sarah entend «des tirs, des explosions, des gens qui crient». Elle sent la fumée des habitations brûlées. «Nous étions toujours allongés mon fils et moi dans le lit. Nous avons attendu en silence pendant des heures.» Vers 14 heures, des hommes de Tsahal entrent dans le kibboutz, «devenu silencieux». Rien ne reste de cet endroit «paisible, vert, avec des arbres, des fleurs partout», fondé dans les années 1950. «A 16 h 30, l’armée est venue frapper à notre porte, a dit mon nom, celui de mon fils, et puis nous sommes sortis.» La fin d’un cauchemar.

«Nous sommes écrasés par la peine»

Alors que trente Français figurent parmi les 1 400 victimes de l’attaque terroriste du 7 octobre et que sept ressortissants sont toujours portés disparus, certains toujours otages du Hamas, plusieurs responsables politiques ont affiché leur solidarité, lors d’une soirée pour la libération des otages, «contre le terrorisme» et «pour la paix» entre Palestiniens et Israéliens, selon Frédéric Haziza, journaliste à Radio J et organisateur. «La libération des otages est le premier objectif», a affirmé de son côté Emmanuel Macron lors de sa rencontre, mardi 24 octobre, avec le président israélien, Isaac Herzog. Salle Colbert, plusieurs familles de victimes expriment leur douleur. «Nous sommes écrasés par la peine, confie Sarah. La seule chose qui pourra nous apaiser un peu, c’est le retour des otages.»

«Je fais appel à la France, mon pays, celui des droits de l’homme», exhorte également Ariane Tamir, qui a perdu des proches, Evyatar Kipnis, Lilach Kipnis et Avshalom Haran. Des membres de sa famille sont encore détenus par le Hamas. «Je ne suis pas venu avec des larmes. […] Je suis venu vous demander de sauver nos otages.» A Beeri, Valentin, un soldat franco-israélien membre d’une unité parachutiste, a lui aussi été tué le 7 octobre. Touché à la tête et au ventre, le jeune homme est «décédé quasiment sur le coup», témoigne sa sœur, Chloé. On sait qu’il est mort comme un héros.» Devant une salle comble, Olivier Jaoui dit lui aussi sa peine, ses proches disparus, cette «vidéo épouvantable» d’un enfant de 12 ans, Erez, enlevé par les terroristes du Hamas. «Pour les juifs du monde entier, c’est une faille béante qui s’est creusée en nous», résume Yonathan Arfi, le président du Crif.

«Je sais ce que représente une scène terroriste»

A Libération, peu avant le procès des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, François Hollande avait confié ses souvenirs, «ces images [qui] ressurgissent» lorsqu’il repasse devant le Bataclan. «Si je suis là aujourd’hui, c’est pour m’associer à la douleur des familles, assure-t-il mardi soir au Palais-Bourbon. Je sais ce que représente une scène terroriste. J’en ai hélas visité plusieurs. Elles sont toutes organisées, perpétrées de la même façon, pour créer l’horreur. Pour permettre que la terreur s’installe dans les populations, pour faire peur.» L’ancien chef de l’Etat connaît aussi «l’attente insupportable des familles». Il sait encore qu’il «n’y a pas que des Juifs, pas que des Israéliens qui ont été frappés. Le terrorisme ne fait pas de distinction, il massacre toutes les populations.» Celui qui avait appelé de ses vœux en 2015 une «grande et unique coalition» contre l’Etat islamique n’a pas commenté l’incertaine proposition de coalition contre le Hamas, formulée par son successeur à l’Elysée. Il a seulement rappelé la «nécessité d’avoir un accord de paix entre les deux Etats» et le «souci de la sécurité des uns et des autres».

Solennelle et intense, cette soirée de solidarité ne s’est pas prêtée aux polémiques partisanes de ces derniers jours. «Tout n’est pas sujet à exploitation. Il faut parfois se taire, se recueillir. Et quand l’on choisit de parler, il faut choisir les mots justes», pose d’une voix grave Eric Dupond-Moretti, le garde des Sceaux, devant ses collègues Sabrina Agresti-Roubache, Christophe Béchu, Aurore Bergé et Agnès Pannier-Runacher. Aucun élu insoumis, dont le refus de qualifier le Hamas de mouvement terroriste depuis le 7 octobre fracture jusqu’aux rangs de la gauche, n’a été invité. Vice-président de l’Assemblée, le député (Rassemblement national) Sébastien Chenu a, lui, passé une tête, invité «par Haziza», glisse-t-il. Le président du parti Les Républicains, Eric Ciotti, concède de son côté son «émotion», se souvenant de l’attentat de Nice, en 2016. «J’ai encore à l’esprit le hurlement des blessés sur la promenade des Anglais.» La présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain, après son homologue socialiste Boris Vallaud, montre quant à elle un «besoin d’être ensemble, de se retrouver». Quelques députés sont là, les socialistes Valérie Rabault et Jérôme Guedj, l’écologiste Julien Bayou, David Amiel, Benjamin Haddad et Astrid Panosyan-Bouvet côté Renaissance. Présence discrète, aussi, de quelques personnalités du courant laïcard : la journaliste et essayiste Caroline Fourest ; l’ex-secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy Jeannette Bougrab ; l’ancien ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer ; ou Amine El Khatmi, le fondateur du «Printemps républicain».

Plusieurs représentants de la communauté juive ont également été conviés, comme Haïm Korsia, le grand rabbin de France, Elie Korchia, le président du Consistoire, ou la rabbin Delphine Horvilleur. Concluant la soirée, Yaël Braun-Pivet s’est adressée, elle, aux familles des otages encore détenus : «Nous sommes avec vous, nous serons avec vous jusqu’au bout. […] La politique, c’est avant tout une histoire d’hommes et de femmes. […] On fait de la politique parce qu’on aime les gens, parce qu’on est concernés par ce qu’ils ressentent.»

Mis à jour le 25 octobre avec une rectification sur les victimes.