Au début, ça fait toujours un peu bizarre. Entendre Philippe Poutou ou Nathalie Arthaud dire que, de toute façon, ils ne souhaitent «pas vraiment gagner» a de quoi surprendre. Quand on demande au candidat du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) à quoi ressembleraient ses premiers jours à l’Elysée, il répond cash : «On ne va pas faire semblant, je ne serai pas élu.» Dans son camp, on assume ne pas être «électoralistes». Peu importe «quel président sortira du chapeau», dit aussi Nathalie Arthaud, la candidate de Lutte ouvrière (LO).
A la gauche de la gauche, et chez les trotskistes en particulier, c’est un grand classique : le troisième tour sera «social». Et se jouera dans la rue. Avec une particularité pour cette présidentielle 2022. Chez LO comme au NPA, on reconnaît la nécessité de «refonder un outil politique». Dimanche, au Zénith de Paris, Nathalie Arthaud a demandé aux indécis et aux abstentionnistes de la rejoindre. «Et pas seulement dans le vote, a-t-elle précisé, mais aussi pour l’après, dans le parti qu’il nous faut construire.» «Il nous manque cruellement un parti communiste et révolutionnaire qui serait celui des travailleurs et non de quelques notables», explique à Libération Jean-Pierre Mercier, porte-parole du parti. Celui qui est aussi ouvrier à PSA appelle à la construction d’un parti «par le bas», loin de toutes «alliances ou négociations» entre appareils.
Philippe Poutou est sur la même ligne. L’ancien ouvrier de Ford parle d’un espace politique à «réinventer». Samedi, au Cirque d’hiver de Paris, il a pris à témoin «les syndicalistes, les militants associatifs», les proches du «NPA, de La France insoumise, et même des verts ou des socialistes». «Il nous manque une force politique, il nous manque un parti», leur a-t-il lancé. La stratégie est la même qu’à LO : passer par le bas en s’exonérant des «grands leaders». Le NPA est né en 2009 sur les ruines de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), fondée en 1974 après la dissolution de la Ligue communiste soixante-huitarde. Le pari d’Alain Krivine et Olivier Besancenot était alors d’élargir les rangs de l’extrême gauche traditionnelle. Sans que la mayonnaise ne prenne vraiment.
Le premier tour de 2002, où Arlette Laguiller et Olivier Besancenot totalisaient près de 10% des voix, semble bien loin. Philippe Poutou stagne aujourd’hui à un plus d’1%, quand Arthaud fait moitié moins. «Il faut tirer les bilans», reconnaît Pauline Salingue, porte-parole de la campagne de Poutou. Elle parle «d’éclatement» et «d’échec» collectif de la gauche. Objectif : «Reconstruire une gauche anticapitaliste en discutant et débattant à large échelle.» En revanche, la question de la dissolution du NPA ne se pose pas, assure-t-elle. De la même manière, on n’imagine pas LO se saborder un jour pour faire cause commune avec d’autres partis, quand bien même ils se réclameraient de Léon Trotski.