Les rangs du Zénith de Paris commencent à se remplir petit à petit. Des jeunes, des moins jeunes prennent place sur les sièges rouges de la mythique salle de spectacle. Au pied de la scène se retrouvent les élus venus des quatre coins de la France. Oubliées les divisions internes si fréquentes au Parti socialiste. Ce jeudi 30 mai, les bises et tapes dans le dos sont franches, même entre adversaires d’autrefois. «Ce soir on profite, souffle un parlementaire. Ça fait des années qu’on n’avait pas fait une si grande salle.» Il y a cinq ans, lors des dernières européennes, les socialistes avaient dû, faute d’engouement, se contenter du Cabaret sauvage (voisin du Zénith dans le parc de la Villette, dans le nord-est de Paris) et ses 1 200 places pour l’étape parisienne de leur campagne. Cette fois, dans la dernière ligne droite, l’ambition est toute autre : une réunion publique à 4 000 personnes.
«Ça va ressembler à un des plus beaux meetings de toute la campagne», prédit le secrétaire général du PS, Pierre Jouvet, pendant que le patron des sénateurs, Patrick Kanner, la raie impeccablement peignée sur le côté, s’autorise deux petits pas de danse. «J’étais là il y a quinze jours pour Etienne Daho, il va y avoir autant de monde», ricane Luc Broussy.
Pour Hidalgo, «Raphaël est le seul vote utile»
Si les sondages naviguant entre 12 et 14 % donnent le sourire aux socialistes, rien n’est encore fait. A dix jours du scrutin, l’inversion des courbes avec celle de Valérie Hayer – tant espérée par les huiles socialistes – n’a toujours pas eu lieu. Et même si, dans certaines enquêtes d’opinion, l’écart se resserre de plus en plus. A tel point qu’on continue de penser, au PS, que la liste portée par l’essayiste peut terminer en seconde position (loin) derrière le Rassemblement national le 9 juin. «Si on prend l’exemple des dernières européennes, le moment où les courbes se croisent c’est entre le vendredi et le dimanche. Quand il n’y a plus de sondage en fait, expliquait un cadre du parti ce mercredi. Le fait d’être au coude-à-coude avec Valérie Hayer peut être un puissant moteur pour Raphaël Glucksmann.»
Jusqu’à la fin de la campagne, les socialistes ont donc prévu de marteler que seul Raphaël Glucksmann peut présenter une alternative de gauche à la macronie. Après avoir siphonné ce qu’il y avait à siphonner chez Renaissance, les roses disent vouloir se concentrer sur les hésitants et les jeunes. La maire de Paris Anne Hidalgo s’y emploie sur la scène du Zénith. «Raphaël est le seul vote utile et nécessaire pour contrer la montée de l’extrême droite et pour stopper le jeu mortifère d’Emmanuel Macron qui fait monter les populistes en tuant tout débat démocratique en France», scande-t-elle, bien applaudie par la salle. Au même moment, sur France 2, l’ancien président de la République, François Hollande, confirme – sans le dire clairement pour ne pas grappiller le temps de parole socialiste – qu’il votera pour la tête de liste PS-Place Publique. Un soutien dont certains roses se seraient bien passés sachant que les écologistes et insoumis affirment depuis plusieurs semaines que voter Glucksmann, ce serait voter pour «la vieille gauche» portée par l’ancien chef de l’Etat durant son quinquennat.
«Personne ne nous avait vu venir»
Il est 21 heures quand Raphaël Glucksmann descend les travées du Zénith. Un rapide bain de foule, et voilà la tête de liste sur scène. Derrière son pupitre rose et jaune, l’eurodéputé revient sur le chemin parcouru par son camp depuis le début de la campagne. «Personne ne nous avait vus venir, débute-t-il. Personne ne nous avait crus capable de chambouler les plans des grands stratèges de l’Elysée, cette éternelle réédition du même match avec l’extrême droite.» Selon lui, la dynamique de sa liste esquissée par les sondages montre «qu’une espérance est en train de naître en France».
Pour le reste, du très classique. Le candidat répète que «l’Europe est menacée et la démocratie fragile», dénonce l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine et insiste sur la nécessité de continuer à aider Kyiv. «Chaque tergiversation, chaque retard dans la livraison d’arme, chaque erreur de jugement […], on n’agit pas simplement contre le peuple ukrainien mais contre la sécurité des Européens», affirme-t-il. Actualité oblige, Glucksmann aborde également Gaza en appelant à «un cessez-le-feu immédiat et permanent, à la libération de tous les otages détenus par le Hamas» et à la reconnaissance d’un Etat palestinien. L’eurodéputé développe aussi son Europe idéale synonyme de «puissance européenne démocratique et féministe». Pour que cette dernière puisse être mise en place, l’heure est à la «mobilisation générale», dit-il.
«Jamais la gauche des insultes»
Mais avant de conclure, Glucksmann montre qu’il n’est pas venu pour parler que des européennes. Aux militants, le candidat promet qu’il ne «disparaîtra pas le 10 juin». L’essayiste assure qu’il «sera là» pour participer à «l’émergence d’un puissant pôle politique» dont «il sera le garant et le gardien». Un pôle ouvert à «tous les démocrates intègres et sincères de ce pays» qui partagent les fondamentaux de sa liste. «La gauche que nous sommes en train de reconstruire ne sera jamais la gauche des insultes, des analogies dangereuses, ou des clins d’œil les plus répugnants», dit-il. «Elle ne fera pas non plus de visuels mensongers sur les réseaux sociaux» et ses représentants ne se «prendront ni pour Jupiter ni pour Robespierre», ajoute-t-il. Des tacles adressés évidemment aux insoumis. Depuis le début de la campagne, ces derniers multiplient les attaques contre la tête de liste du PS qui leur rend bien. Et a priori, c’est loin d’être fini.