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Libération
Vu de Strasbourg

A Strasbourg, un député insoumis prêt au «référendum révocatoire»

Emmanuel Fernandes, élu du Bas-Rhin, propose à ses électeurs une remise en cause de son mandat à l’Assemblée. Dans deux mois, si 10% des habitants de plus de 16 ans de sa circonscription le souhaitent, il s’engage à organiser un référendum révocatoire dans les six mois.
Emmanuel Fernandes à Illkirch-Graffenstaden, en septembre 2023. (Mathilde Cybulski/Hans Lucas. AFP)
par Mina Peltier
publié le 26 janvier 2024 à 8h06

A vos bulletins ! Emmanuel Fernandes, élu La France insoumise (LFI) dans la 2e circonscription du Bas-Rhin, remet en jeu son mandat. Enfin presque… En juin 2022, le quadragénaire avait remporté les élections législatives avec plus de 51% des voix. Aujourd’hui arrivé au premier tiers de son mandat, il tient l’une de ses promesses de campagne : un référendum révocatoire pour lui enlever, ou non, son siège à l’Assemblée nationale. Il affirme que «cette expérimentation démocratique permet au peuple de se réapproprier leurs représentants et de permettre un contrôle populaire permanent». Pour expliquer sa démarche, l’Alsacien avance une «défiance populaire envers les responsables politiques […] en raison des trahisons successives de certains élus» qui pousseraient, déçus, des électeurs à fuir les élections.

Concrètement, comment ça marche ? Pour enclencher un tel référendum inscrit en 2022 dans le programme présidentiel de Jean-Luc Mélenchon, au moins 10% des habitants de plus de 16 ans de sa circonscription (soit environ 14 000 personnes) doivent dire «oui» à une telle remise en cause. Ils ont, explique Emmanuel Fernandes, jusqu’au 1er mars pour s’exprimer. Les bulletins sont à télécharger sur le site du député. Il faut les imprimer, les remplir puis les envoyer par courrier à une commissaire de justice qui encadre le tout. Ou alors les déposer directement dans les quatre points de vote installés et disséminés sur la circonscription qui couvre le sud de Strasbourg et la commune d’Illkirch-Graffenstaden. Comme le député et son équipe ne «disposent pas des listes électorales», les électeurs sont ainsi obligés de joindre une copie de pièce d’identité et un justificatif de domicile pour démontrer qu’ils sont de la circonscription (mais ce n’est pas dit qu’ils y votent tous…). Le premier palier des 10 % atteint, le référendum pourrait se tenir dans les six mois.

«Au service»

Son collègue député de la Somme François Ruffin avait déjà pris cette initiative en 2018 : «Comme promis, vous pouvez me révoquer. Si 25% des électeurs de la circonscription pétitionnent contre moi, s’ils m’ont élu et que pourtant mes positions à l’Assemblée ne les représentent pas, je démissionnerai. Je remettrai mon mandat en jeu.» Dans sa circonscription, il avait «boîté» pour déposer directement chez ses votants les bulletins. Son «camarade» insoumis Emmanuel Fernandes souhaite, lui, une «transparence supplémentaire» en passant par une commissaire de justice et «prouver [aux] électeurs que ce ne sont pas nos équipes et moi-même qui chapotons les votes».

Emmanuel Fernandes se défend d’être seulement dans la communication : «Je suis au service de ma circonscription et cette démarche me permet d’avoir un retour sur mes travaux, répond-il à Libération. Dans le principe, ce sont d’ailleurs des électeurs qui n’ont pas voté pour moi qui voudront remettre en cause mon mandat.»

Et s’ils décident de le faire partir ? «Je démissionnerai et je ne me représenterai pas», jure l’insoumis qui dit cependant ne «pas» y «pense[r] encore». Au téléphone, le député ne se montre pas pressé de quitter son poste et de revenir à son poste de chef de projet dans le privé. Cette «démarche individuelle» n’a, dit-il, «pas vocation à être répétée» par d’autres insoumis, qui louent, à entendre, Emmanuel Fernandes «son respect de ses promesses de campagne».