Un texte sans valeur normative, mais hautement symbolique. L’Assemblée nationale a adopté ce jeudi 30 octobre une résolution visant l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui prévoit un régime spécial pour les Algériens en matière d’immigration et de séjour en France. Le texte déposé par le Rassemblement national, et examiné à l’occasion de sa niche parlementaire, demande aux «autorités en ayant la compétence» de «dénoncer les accords franco‑algériens du 27 décembre 1968», c’est-à-dire d’y mettre un terme unilatéralement.
Le texte s’adresse donc à Emmanuel Macron, car «seul le Président peut dénoncer un accord», décrypte Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes. Pour autant, cette résolution «n’a pas d’incidence juridique», précise-t-il. Elle ne fait que demander au Président de prendre une décision, en se fondant sur des arguments motivant cette demande.
D’après le RN, l’accord en question crée «un régime dérogatoire qui facilite l’immigration des ressortissants algériens vers la France», or le parti d’extrême droite estime qu’«aucun motif ne justifie désormais que les ressortissants algériens bénéficient d’un tel statut juridique».
Boualem Sansal cité
L’accord mis en cause, signé en 1968, prévoit en effet un régime spécial pour les Algériens. Pour séjourner plus de trois mois sur le territoire, il leur faut un «certificat de résidence pour Algériens» (CRA) valable un an, et non un visa. Ils peuvent également s’établir librement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante, et accéder plus rapidement que les ressortissants d’autres pays à la délivrance d’un titre de séjour de dix ans, énumère le site du ministère de l’Intérieur. Dans le cadre d’un regroupement familial, les membres de la famille reçoivent également un certificat de résidence de dix ans dès leur arrivée si la personne qu’ils rejoignent possède ce titre.
Dans sa résolution, le RN énumère les raisons pour lesquelles il juge pertinente la dénonciation des accords : l’Algérie violerait «le droit international en ne permettant pas l’entrée sur son territoire de ses citoyens frappés d’une obligation de quitter le territoire français», «les autorités algériennes n’ont pas démontré leur volonté de coopérer» afin de permettre «le retour vers l’Algérie des ressortissants algériens en situation illégale en France». Sont également cités «l’emprisonnement arbitraire de l’écrivain franco‑algérien M. Boualem Sansal» et «l’emprisonnement arbitraire du journaliste français M. Christophe Gleizes».
Décryptage
Serge Slama considère pour sa part que «la majorité de ces arguments repose sur des inexactitudes ou des fake news». Alors que le RN aborde notamment les «facilités d’entrée dans notre pays pour les détenteurs d’un passeport diplomatique ou de service de nationalité algérienne», le professeur de droit public rappelle que l’accord de 2013 les concernant, cité dans le texte, a déjà été suspendu.
Le sort de l’accord de 1968 est désormais entre les mains du président de la République, qui n’est pas juridiquement tenu de prendre en compte la résolution. Le dénoncer pourrait même constituer «une violation du droit international», selon Serge Slama, puisque cet accord entre la France et l’Algérie ne prévoit pas la possibilité d’une rupture unilatérale.