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Procès

Affaires des sondages de l’Elysée : Claude Guéant condamné à un an de prison avec sursis en appel

L’ancien secrétaire général de la présidence a été reconnu coupable de favoritisme, mardi 4 novembre, pour avoir commandé pour 4,7 millions d’euros d’argent public sans appel d’offres des enquêtes d’opinions de 2007 à 2012.

Claude Guéant au tribunal correctionnel de Paris, le 6 janvier 2025. (Denis Allard/Libération)
ParArthur Louis
Journaliste - Actu
Renaud Lecadre
Journaliste - Enquêtes
AFP
Publié aujourd'hui à 13h47, mis à jour le 04/11/2025 à 15h08

La cour d’appel de Paris a rendu ce mardi 4 novembre sa décision dans l’affaire des sondages commandés par l’Elysée entre 2007 et 2012 pour plusieurs millions d’euros d’argent public, et notamment condamné Claude Guéant à un an de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende pour favoritisme. Sa peine est donc confirmée mais allégée puisqu’il avait été condamné en janvier 2022 à un an de prison dont huit mois ferme en première instance. L’ancien ministre de l’Intérieur a annoncé son intention de se pourvoir en cassation, il reste donc présumé innocent.

Couvert par son immunité présidentielle dans ce dossier qui s’est déroulé lors de son quinquennat, Nicolas Sarkozy avait comparu comme témoin lors du procès en première instance. Pendant cinq ans, des contrats ont été passés avec l’Elysée sans respecter la procédure sur les marchés publics, pour la fourniture d’enquêtes d’opinion et des prestations de conseil politique, facturées par les sociétés de Patrick Buisson (mort en 2023) et Pierre Giacometti, ainsi que par l’institut Ipsos. Le Parquet national financier (PNF) avait estimé à 4,7 millions d’euros d’argent public les dépenses de sondages sans appel d’offres effectuées par l’Elysée de 2007 à 2012, et à 2,7 millions d’euros les dépenses de conseils. La cour d’appel a toutefois prononcé ce mardi la relaxe pour les études commandées en début de quinquennat.

L’autre prévenu également condamné

Malgré son immunité, Nicolas Sarkozy était resté au centre de l’attention durant ce procès. Me Philippe Bouchez El Ghozi, l’avocat de Claude Guéant, avait ainsi évoqué lors de l’audience en appel le «procès autour d’un absent, du fait d’un absent», dont son client, alors secrétaire général de l’Elysée, n’aurait fait que suivre les instructions. Le parquet général avait toutefois demandé en mai la confirmation de l’année de prison, dont huit mois ferme, prononcée pour favoritisme en première instance contre Claude Guéant, aujourd’hui âgé de 80 ans.

Le ministère public avait aussi requis la confirmation des six mois de prison avec sursis et 70 000 euros d’amende contre l’autre prévenu, l’ex-sondeur Pierre Giacometti, pour recel de favoritisme. Le PNF avait également réclamé 300 000 euros d’amende contre No Com, la société de l’accusé de 63 ans. L’avocat de l’ex-sondeur, Me Patrick Maisonneuve, avait demandé la relaxe de son client, plaidant notamment qu’il n’était pas «un fin connaisseur des marchés publics». Mais les réquisitions du parquet ont été suivies par la cour d’appel ce mardi, qui a bien confirmé la peine de No Com et de Pierre Giacometti qui reste présumé inocent après avoir annoncé qu’il allait lui aussi se pourvoir en cassation.

Les sociétés de Patrick Buisson aussi coupables

Les magistrats avaient également demandé la confirmation de l’amende d’un million d’euros contre Ipsos, soupçonné de recel de favoritisme. L’institut de sondage a finalement été condamné à 400 000 euros d’amende. Le Parquet national financier avait par ailleurs requis des amendes de 500 000 euros contre Publifact et de 50 000 euros contre Publi-Opinion, deux entreprises de Patrick Buisson, l’ancien très droitier inspirateur influent du président Sarkozy. Celui-ci avait été condamné en première instance mais sa mort à 74 ans a mis un terme à l’action publique. Ses deux sociétés ont été finalement condamnées à 150 000 euros d’amende pour la première et 50 000 euros pour la seconde.

Depuis la défaite de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2012, Claude Guéant a multiplié les déboires judiciaires. Il a notamment été condamné à deux années de prison dont un an ferme pour détournement de fonds publics dans l’affaire des primes en liquide du ministère de l’Intérieur. Ce cash théoriquement dédiés aux frais d’enquêtes parfois discrètes avait été détourné à des fins personnelles par Claude Guéant. Dans le dossier libyen, l’ancien ministre de l’Intérieur a fait appel de sa condamnation le 25 septembre à six ans de prison pour corruption, trafic d’influence et faux et usage de faux.

Sarkozy chargé par ses collaborateurs

Il lui est particulièrement reproché d’avoir rencontré à Tripoli Abdallah Senoussi, beau-frère de Muhammar Khadafi, pourtant condamné par contumace dans l’attentat d’un DC10 d’UTA, à l’approche de la présidentielle 2007. Mais aussi d’avoir indirectement profité de 500 000 euros d’agent libyen pour s’acheter un appartement parisien. A l’inverse de Nicolas Sarkozy, le tribunal correctionnel de Paris n’avait toutefois pas ordonné son incarcération, en raison de la santé dégradée de l’octogénaire.

Dans le dossier jugé ce mardi, l’avocat de Claude Guéant avait demandé la relaxe et considéré que «comme on ne [pouvait] pas juger» Nicolas Sarkozy, couvert par son immunité présidentielle, «on [jugeait] son plus proche collaborateur». Me Philippe Bouchez El Ghozi avait notamment plaidé que dans la commande de ces enquêtes, l’ancien secrétaire général n’avait «aucune marge de manœuvre» face aux «instructions» du président. Outre Claude Guéant, comme secrétaire général, Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet, avait été condamnée à six mois de prison avec sursis, mais n’avait pas fait appel. A la barre du tribunal, elle avait commenté à propos de ces sondages en pagaille : «Ce choix est celui du président, pas le mien.»

Mis à jour à 14 h 48 avec les condamnations de Pierre Giacometti, d’Ipsos et des sociétés de Patrick Buisson.