Point de surprise. Au terme d’un après-midi d’échanges animés entre les différents partis à l’Assemblée, le scrutin à valeur symbolique donne une majorité de votes en faveur d’un soutien de Paris à Kyiv, comme le laissaient supposer les intentions de votes des uns et des autres. 372 députés ont voté pour et 99 contre.
Devant les députés, vers 16h30, Gabriel Attal a donné le coup d’envoi des débats sur la stratégie d’aide de la France à l’Ukraine. «Nous sommes aux côtés de l’Ukraine, nous le serons autant de temps qu’il le faudra», a soutenu le Premier ministre. Il s’agissait du premier débat avec vote depuis le début du conflit. S’en sont suivis l’intervention des groupes politiques. Dans sa déclaration, Gabriel Attal a présenté les objectifs de l’accord de sécurité franco-ukrainien du 16 février. Conclu pour une durée de dix ans, il comprend un renforcement de la coopération militaire, en particulier dans les domaines de l’artillerie et de la défense aérienne. En 2024, Paris promet en outre de fournir «jusqu’à trois milliards d’euros de soutien supplémentaire» au pays de Volodymyr Zelensky.
«Nous sommes à un moment de bascule»
«Il y a un peu plus de deux ans, dans une offensive cynique‚ brutale et destructrice, la Russie a attaqué l’Ukraine», a d’abord souligné le Premier ministre, lancé dans un rappel historique. Puis le chef du gouvernement a égrené le soutien humanitaire, économique et militaire de la France à Kyiv. «En 2022 et 2023, la France a apporté une aide militaire à l’Ukraine à hauteur de 3,8 milliards d’euros. Nous allons poursuivre les livraisons d’armes.» Le chef du gouvernement détaille les nombreuses armes livrées dans les prochains mois : 150 drones, 6 canons Caesar. «Jusqu’à 3 000 obus par mois seront produits» et la France participera «financement de l’achat d’obus proposés par les Tchèques».
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«Nous sommes à un moment de bascule, a-t-il prévenu. Une guerre de position se joue désormais et pour la Russie, le temps est désormais un allié. Elle compte sur la lassitude des alliés de l’Ukraine.» Avant de poursuivre : «Le soutien à l’Ukraine, c’est reconnaître qu’elle se bat tous les jours pour nos valeurs et qu’elle fait partie de la famille européenne.» Au-delà du plan idéologique, le chef du gouvernement a alerté sur les conséquences, y compris en France, d’une victoire de la Russie : il évoque des «risques concrets, tangibles» sur «la vie quotidienne des Français» qui «seraient un cataclysme pour le pouvoir d’achat» des Français. Il parle du risque «d’une inflation alimentaire puissance 10» et «d’une explosion des prix» du même ordre. «Les Français vivraient moins bien avec des aliments plus chers, de l’énergie plus coûteuse, une insécurité croissante.»
Le débat sert surtout au gouvernement de contraindre les oppositions, en particulier le RN et la France Insoumise, de prendre leurs distances avec Moscou - ou du moins clarifier leur position. «Tous nos concitoyens français doivent [les connaître] sans ambiguïté possible», a souligné le Premier ministre. Puis de lancer, péremptoire : «Voter contre, c’est signifier à nos alliés que la France tourne le dos à son engagement et à son histoire» et «s’abstenir, c’est fuir, fuir ses responsabilités devant l’histoire, trahir ce qui nous est de plus cher depuis le 18 juin 1940 : l’esprit français de résistance». Il en appelle à «l’esprit de responsabilité de chacun» : «Il n’y a pas de place pour l’instrumentalisation.»
Pour soutenir l’Ukraine, contre l’escalade militaire
«Notre responsabilité, c’est de soutenir l’effort de guerre ukrainien sans hésitation», a fait valoir Olivier Marleix, le chef de file Les Républicains (LR) qui ont annoncé voter pour. Même vote pour les socialistes et écologistes. Ce qui n’a pas empêché la présidente du groupe écolo, Cyrielle Chatelain, de dénoncer «l’accumulation de postures guerrières, sans concertation avec nos alliés» tenues par Emmanuel Macron. Une «prise de risque» jugée «inconsidérée» par l’élue iséroise.
Le RN a prévu de s’abstenir, pour «manifester [leur] soutien à l’Ukraine», a (très) maladroitement justifié Marine Le Pen, qui juge l’accord bilatéral «imprécis», et a alerté sur «un droit de tirage opaque sur les armes dont nos soldats disposent». La cheffe de file du parti d’extrême droite s’est insurgée : «Soit on est pro Macron, soit on est accusés d’être pro Poutine. Cette attitude […] est abjecte tant les souffrances de l’Ukraine sur lesquelles vous cherchez à surfer sont vives», a-t-elle déploré, alors que le RN est accusé d’entretenir des liens avec le régime de Vladimir Poutine.
Les députés communistes et de la France insoumise ont quant à eux choisi de voter contre. Devant l’hémicycle, le communiste Fabien Roussel, a dénoncé les «objectifs imprécis», les «termes flous» de l’accord, qui risqueraient de «[participer] à l’escalade militaire». «Nous sommes pour la paix, a-t-il insisté. Nous resterons aux côtés des Français qui ne sont pas pour rentrer en guerre contre la Russie.»
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«Ce débat est un simulacre», a dénoncé l’insoumis Arnaud Le Gall. «La France n’a pas à s’enfermer dans un camp […] cette attitude nous isole, a-t-il insisté. Notre pays doit être à la pointe du combat pour la paix.» Un peu plus tôt, les députés insoumis avaient expliqué que voter contre leur permettrait de se positionner «contre la guerre» et «contre l’élargissement de l’Otan et de l’Union européenne» à l’Ukraine. Position similaire, donc, à celle des communistes.
Ainsi ce vote marque une nouvelle fracture dans le camp de la gauche. «Vous pensez vraiment que l’Otan est un agresseur de la Russie ? Les pacifistes sont à l’Ouest, mais les missiles sont à l’Est», lançait avant le débat le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, à l’adresse des insoumis et des communistes. Vladimir Poutine «ne veut pas négocier», a-t-il jugé, et attend le retour de Donald Trump.
Mis à jour : à 20 h 40 à l’issue du vote.