Le local de campagne socialiste s’agite ce mercredi 15 mai. A moins d’un mois du scrutin, Raphaël Glucksmann, la tête de liste du PS et de Place publique, s’apprête à présenter son programme. Devant son slogan, «Réveiller l’Europe», il avertit la presse en souriant : «Vous êtes prêts pour un très long moment ? Nous avons 337 mesures et je compte toutes les énoncer.»
«Nous vivons un moment de bascule», amorce celui qui répète depuis le début de la campagne que ces élections sont «les plus importantes de l’histoire» avec «le retour de la guerre sur notre continent» et la crise climatique. Dans ce contexte, «assumer la confrontation avec les régimes autoritaires, c’est réaliste, sortir des énergies fossiles, c’est réaliste, rompre avec le libre-échange, qui a désindustrialisé nos nations c’est réaliste», assène-t-il devant ses colistiers et Olivier Faure, le Premier secrétaire du PS.
Pour une «Europe puissante»
«Première priorité, défendre le continent européen contre l’impérialisme russe en augmentant le soutien à l’Ukraine.» Pour cela, le candidat propose de saisir 206 milliards d’avoirs publics russes gelés pour les affecter à l’aide à «la résistance ukrainienne» et de réarmer l’Europe grâce à un fonds de 100 milliards, financé par un emprunt commun, pour investir dans les industries de défense.
Pour une «Europe puissante», il veut aussi «favoriser l’émergence de champions européens dans les secteurs stratégiques» en réservant en priorité la commande publique aux productions européennes. L’eurodéputé veut aussi des «mesures miroirs», imposant aux produits qui entrent sur le territoire les mêmes normes que celles en vigueur dans l’UE. «Les Américains défendent leurs producteurs, les Canadiens aussi, les Européens sont les seuls à croire que les règles de l’OMC ont été données par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï», a-t-il justifié.
L'édito de Paul Quinio
Quelques mois après la crise des agriculteurs, comme ses concurrents écolos, Glucksmann propose une réforme de la PAC, avec des subventions accordées non plus selon le nombre d’hectares mais selon l’emploi et l’utilité écologique. «Une subvention doit corriger les incohérences et les inégalités du marché», justifie-t-il. Celui qui s’engage à défendre «tous les textes du Pacte vert» veut aller plus loin en proposant une «phase 2», la planification d’une industrie verte européenne sur le modèle de l’Inflation Reduction Act américain, paquet de mesures protectionnistes dont certaines à vocation environnementale.
Au chapitre de l’Europe sociale, alors que les pays européens présentent des écarts de salaire considérables, avec un smic à 400 euros en Bulgarie contre près de 1 800 euros bruts en France, celui qui plaide pour un élargissement de l’Union à l’Ukraine veut instaurer une directive européenne pour un revenu minimum, sans détailler comment le mettre en place avec de telles disparités. Pour financer son projet, Glucksmann propose de taxer les plus hauts patrimoines, dans la continuité du d’initiative citoyenne européenne «Tax the Rich», porté par sa colistière Aurore Lalucq. Il défend également une taxation des superprofits et des multinationales et une taxe sur le kérozène.
Des votes à la majorité qualifiée
Accusé par les insoumis d’un deux poids deux mesures sur la guerre en Ukraine et à Gaza, celui qui s’est fait connaître pour ses combats pour les droits de l’homme affirme que ses eurodéputés seront «des défenseurs des droits humains du Karabah jusqu’à Gaza» et des «combattants de l’Etat palestinien au Parlement européen».
Ce programme, conclut-il, dépend de la «construction d’une Europe efficace et démocratique». «Qu’est-ce que l’identité européenne ? interroge-t-il. Toutes les villes européennes ont un point commun : elles sont organisées autour d’une place publique. Ça dit beaucoup de choses sut l’identité d’un continent fondé sur un rapport spécifique à la citoyenneté et à l’espace public. C’est la base de la construction européenne, héritée de l’antiquité et de la Renaissance.» Une conception selon lui aujourd’hui entachée par «les égoïsmes nationaux» qui empêchent l’émergence d’une «Europe cohérente et puissante».
Campagne
Fédéraliste convaincu, Glucksmann propose donc d’abolir le droit de veto, en place sur les affaires étrangères, la justice ou les élargissements mais aussi sur des sujets fiscaux ou budgétaires. A la place, il préconise des votes à la majorité qualifiée. Une proposition critiquée par une autre partie de la gauche, à l’image de l’eurodéputé Emmanuel Maurel, candidat sur la liste communiste, qui alarme : «Si la levée du droit de veto s’était appliquée, concrètement, ça veut dire qu’en 2003, au moment de la guerre en Irak, la France aurait peut-être été engagée dans une guerre qu’elle refusait. La moindre des choses c’est de consulter les gens.» Comme d’autres, il estime qu’un tel enjeu doit être tranché par un vote des citoyens. Glucksmann, lui, imagine l’adoption en 2030 d’un traité sur l’élargissement et l’approfondissement qui vont selon lui de soi puisque à force d’intégration, l’Europe risquerait de devenir ingouvernable avec des votes à l’unanimité.