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Changement d'ère

Alexis Kohler quitte l’Elysée : sept choses à retenir de ses années passées auprès d’Emmanuel Macron

Le secrétaire général de l’Elysée va quitter son poste de bras droit du président de la République en avril, a-t-on appris ce jeudi 27 mars, pour aller travailler dans une banque. Il sera remplacé par l’un de ses proches, Emmanuel Moulin.
Alexis Kohler à l'Elysée, le 11 janvier 2024. (Dimitar Dilkoff/AFP)
publié le 27 mars 2025 à 17h26
(mis à jour le 27 mars 2025 à 18h48)

Une page va se tourner à l’Elysée. L’historique secrétaire général, Alexis Kohler, va quitter son poste au mois d’avril, indique l’Elysée ce jeudi 27 mars, confirmant une information du Figaro. L’énarque de 52 ans, en partance pour une banque, devrait annoncer officiellement son départ lors d’une réunion de cabinet à 18h30, selon les informations de Libération. Le nom de son successeur successeur au palais, le haut fonctionnaire Emmanuel Moulin, un de ses proches, a été confirmé à cette occasion.

Discret mais omniprésent, Alexis Kohler était depuis dix ans aux côtés d’Emmanuel Macron – deux à Bercy puis huit à l’Elysée. Il a exercé un pouvoir bien supérieur à celui de ses prédécesseurs et s’est retrouvé au cœur des décisions les plus importantes du Président. Libé liste sept faits marquants au cours de ses années passées au plus près du président Macron.

Le dernier des «Mormons»

Il n’en restait plus qu’un dans les couloirs de l’Elysée. Alexis Kohler était le dernier des «mormons» à côtoyer quotidiennement le Président. Ce groupe de jeunes fidèles d’Emmanuel Macron, artisans de sa victoire éclair en 2017, a quitté peu à peu le Palais : l’ancienne conseillère presse puis porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye en juillet 2020, désormais secrétaire générale du groupe d’intérim Adecco, le conseiller politique Stéphane Séjourné, élu député européen en 2019, puis ministre des Affaires étrangères, aujourd’hui commissaire européen ou encore l’ancien conseiller spécial Ismaël Emelien, cofondateur du parti macroniste, qui a lancé sa propre start-up, Zoi, en 2021. Secrétaire général de l’Elysée depuis 2017 et l’élection d’Emmanuel Macron, Alexis Kohler était son plus proche collaborateur depuis plus de dix ans. Il était déjà son directeur de cabinet à Bercy lorsque ce dernier était ministre de l’Economie dans le gouvernement de Manuel Valls, de 2014 à 2016.

Central dans les nominations

Depuis son arrivée à l’Elysée, Alexis Kohler a exercé une influence bien supérieure à celle de ces prédécesseurs. Celui que les habitués de la rue du Faubourg-Saint-Honoré surnomment «le deuxième cerveau» d’Emmanuel Macron avait même un regard sur les nominations. Consulté sur le choix du Premier ministre en 2017, il soutient Edouard Philippe, qu’il côtoyait au club rocardien de Sciences-Po lors de leurs années étudiantes, contrairement à Emmanuel Macron qui connaît peu le maire du Havre. Il avait un regard sur les investitures des candidats par le parti présidentiel aux législatives et les nominations dans les ministères. Même mécanique en 2022, lorsqu’Emmanuel Macron nomme Elisabeth Borne à Matignon. Un choix que le bras droit du Président aurait très largement soutenu. Le visage d’Alexis Kohler apparaissait de manière épisode à la télévision, lorsqu’il annonçait, depuis le perron de l’Elysée, les compositions des gouvernements lors des principaux remaniements.

Au cœur de l’affaire Benalla

A l’été 2018, la France découvre le nom d’Alexandre Benalla. Une enquête du Monde révèle que ce collaborateur de l’Elysée, chargé de la sécurité d’Emmanuel Macron, a été filmé frappant un manifestant lors de la mobilisation du 1er mai, deux mois auparavant. Dans cette affaire, Alexis Kohler est soupçonné d’avoir caché une partie de la vérité. En février 2019, le rapport de la commission, pour lequel a été auditionné Alexis Kohler, met directement en cause le fonctionnement de l’Elysée et son secrétaire général. Selon le Point, Alexis Kohler avait été averti dès le 2 mai 2018 des violences commises par le collaborateur de l’Elysée, contrairement à ce qu’il avait affirmé devant les sénateurs. En avril 2019, Alexis Kohler a été entendu par la justice, aux côtés du directeur du cabinet de l’Elysée Patrick Strzoda et du chef de cabinet François-Xavier Lauch, pour répondre sur le passeport diplomatique que possédait Benalla.

L’homme des crises, des gilets jaunes et du Covid-19

Depuis 2017, Alexis Kohler était incontournable dans les moments critiques des deux mandats d’Emmanuel Macron. Alors que la crise des gilets jaunes secoue le premier quinquennat, il fait partie de ceux qui militent pour maintenir la taxe carbone, à l’origine de la colère des manifestants. En février 2020, la France affronte l’épidémie de Covid-19 et manque de masques. Et pourtant, le premier tour des élections municipales est maintenu le 15 mars. Un choix influencé aussi par Kohler. Deux décisions prises par l’Elysée vivement critiquées, y compris dans le camp présidentiel.

Conflit d’intérêts à MSC

S’il a (presque) réussi à se faire discret pendant dix ans, Alexis Kohler pourrait être au cœur d’un scandale associé son nom. Mis en examen en octobre 2022 pour prise illégale d’intérêts, il est accusé d’avoir «participé» à des décisions relatives à l’armateur MSC en tant que haut fonctionnaire de 2009 à 2016, alors que sa mère est la cousine de Rafaela Aponte, épouse du fondateur du groupe Gianluigi Aponte. Il a aussi siégé en tant que représentant de l’Etat au conseil d’administration de STX France (devenu Chantiers de l’Atlantique) et de celui du Grand Port maritime du Havre de 2009 à 2012, tous les deux liés à MSC. Selon les magistrats, Alexis Kohler a continué «à émettre des avis ou donner des orientations stratégiques» sur des dossiers «impliquant le groupe MSC» alors qu’il était membre des cabinets de Pierre Moscovici puis d’Emmanuel Macron à Bercy de 2012 à 2016. L’énarque a aussi été directeur financier de la branche «croisières» de MSC entre octobre 2016 et mi-2017. Le 26 novembre 2024, sa mise en examen a été confirmée par la cour d’appel de Paris.

La «grosse connerie» de la dissolution

Premier soutien du Président, Alexis Kohler a été, logiquement, l’un des artisans de la dissolution surprise, décrétée après l’échec de la liste macroniste aux élections européennes le 9 juin 2024. Le secrétaire général de l’Elysée a fait partie du petit cercle travaillant en secret sur cette décision, aux côtés, entre autres, du conseiller mémoire de l’Elysée Bruno Roger-Petit. Mais ça ne l’a pas empêché de prendre ses distances quelques mois plus tard. «On a peut-être fait une grosse connerie», regrettait-il en novembre selon l’Express.

Refus d’obstacle à l’Assemblée

Depuis plusieurs semaines, le désormais futur-ex-secrétaire général de l’Elysée refusait d’être auditionné par les députés. Alors qu’une commission d’enquête est en cours pour tenter d’analyser comment les finances françaises ont pu déraper à ce point, ses membres ont décidé, à une large majorité (35 voix contre 17), d’auditionner le fidèle conseiller d’Emmanuel Macron. Après un premier refus de l’intéressé, les députés ont renouvelé la demande. Après avoir évoqué des problèmes d’agenda, Alexis Kohler a invoqué «le principe de séparation des pouvoirs» pour justifier son refus. S’il refuse à nouveau et que les tribunaux s’en mêlent, il risque jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende.

Mise à jour : à 18h24, avec les informations obtenues par Libération sur le moment de l’annonce du départ d’Alexis Kohler et le nom de son successeur : et à 18h47 avec la confirmation d’Emmanuel Moulin au poste de secrétaire général de l’Elysée.