Ils étaient tous ensemble, presque bras dessus, bras dessous, samedi dans les rues de Paris. A peine 24 heures plus tard, l’axe Philippot-Boutry-Lalanne pour mener la «résistance» contre le pass sanitaire, était pourtant déjà enterré. Réunies dimanche soir à l’initiative de l’ancien journaliste devenu héraut des QAnons français, Richard Boutry, plusieurs têtes d’affiche complotistes ont dénoncé la «récupération politique» de la mobilisation, qu’ils estiment avoir lancée, par le président des Patriotes.
Tête d’affiche des anti-pass sanitaire et très populaire au sein du mouvement, Richard Boutry avait déjà annoncé le lancement d’une grande chaîne de télévision, La UneTV – en réalité une webtélé – pour le 2 septembre prochain. Mais, «au vu des annonces du 12 juillet» par Emmanuel Macron, et sans doute pour surfer sur la vague des manifs, il a voulu «accélérer» ce timing. D’où cette première émission organisée dimanche soir. Une quarantaine d’invités réunis en visio pour un rendez-vous diffusé sur Twitch et YouTube notamment, qui a relevé du capharnaüm. Et s’est résumé à une tribune pour 50 nuances de complotisme sur le Covid-19.
Festival
«Le QR code est une invention du Mossad», a asséné l’avocat Carlos Brusa. «La France n’a plus de gouvernement légitime», a martelé Francis Lalanne, tandis que Valérie Bugault, proche de Civitas, s’est demandé si le conseil de défense ne prendrait pas ses ordres auprès de l’OTAN. «Le pass sanitaire détourne l’attention pour faire passer des mesures de transhumanisme, un krach financier, des famines programmées», a avancé Jean-Jacques Crèvecoeur. Le professeur Christian Perronne a estimé que «des faux cas [positif au Covid, ndlr] entretiennent une fausse épidémie» et que le vaccin «ne protège pas [mais] entretient l’épidémie».
Portrait
Un festival de n’importe quoi qui a duré plus de 3h30, alimenté par des interlocuteurs tout aussi décriés par les spécialistes qu’écoutés dans la mouvance. Plusieurs milliers de personnes l’ont suivi en direct pour un total, replays inclus, de plus de 200 000 vues lundi à la mi-journée, selon le compteur du site de la webtélé. Et si ce chiffre semble crédible, au vu des 10 000 et 15 000 spectateurs simultanés (certains partant, d’autres arrivant) au fil de la soirée, Boutry revendique, lui, deux millions de personnes touchées. Rien que ça. A noter toutefois qu’au vu de l’intense trollage qui a sévi dans les espaces dédiés aux commentaires, tous les spectateurs n’étaient pas acquis à la cause.
«Récupération politicienne»
Mais au-delà des délires sur le virus et la «dictature» ou d’un appel à la grève des soignants, les échanges ont également fait apparaître des premières dissensions à la tête du mouvement. «Nous avons décidé de nous priver de politiques volontairement pour ne pas servir la soupe à ceux qui, tous, nous ont trahis», a ainsi tancé Richard Boutry dès l’introduction, citant Florian Philippot et Nicolas Dupont-Aignan, pourtant annoncés. Francis Lalanne a embrayé en dénonçant la tentative de «récupération politicienne» du mouvement par le président des Patriotes, louant toutefois son action de «résistant à titre de citoyen».
Allergiques au politique, les complotistes ? Pas tout à fait. Car si tous avaient la «résistance» aux lèvres dimanche soir, ils insistaient aussi sur la nécessité pour le peuple de «(re) prendre le pouvoir». Mais pas sans eux. «Cette chaîne servira de casting», a ainsi annoncé Boutry, tandis que Lalanne, qui a été candidat autoproclamé des Gilets jaunes aux dernières européennes, appelait à «entre (r) dans la bête pour prendre les manettes».
Florian Philippot s’est bien gardé de réagir à ces attaques et persiste dans son couloir tout aussi complotiste. Ce lundi, entre une interview pour RFI et un plateau sur RMC, il a même annoncé un nouveau «rassemblement historique», samedi prochain à Paris et dans d’autres villes. Et il a lui aussi fait un live sur YouTube, visionné près de 90 000 fois, pour continuer à dénoncer la «dictature». Et pendant que Boutry donnait la parole à Tal Schaller, un «médecin holistique» qui préconise à ses patients de boire leur urine, pour expliquer que les vaccins «sont là pour nous génocider» ou à Astrid Stuckelberger, chercheuse décriée, pour qui «il n’y a pas de pandémie», les médecins tunisiens réclament à cor et à cri de l’oxygène et des vaccins pour faire face à une flambée de l’épidémie de Covid dans leur pays.
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