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Libération
Ecran noir

Après la décision du Conseil d’Etat, la droite et l’extrême droite à la rescousse de C8

La confirmation par la Conseil d’Etat de la suspension de la chaîne bolloréenne a suscité l’ire de la droite et de l’extrême droite, qui y voit une «censure de la gauche triomphante».

La cheffe de file des députés RN Marine Le Pen, à droite, et le Président du parti Jordan Bardella, le 16 décembre 2024 à Matignon (Albert Facelly/Libération)
Publié le 20/02/2025 à 17h10

Quand l’extrême droite et la droite se précipitent au chevet de leur chaîne préférée. Après la confirmation, mercredi 19 février, par le Conseil d’Etat du non-renouvellement de la fréquence TNT du canal de diffusion de C8 sur la TNT, les cadres du Rassemblement national se sont précipités au chevet de la chaîne bolloréenne. «C’est un recul inédit pour le pluralisme du paysage audiovisuel français et une lourde défaite pour la liberté d’expression», fustige Jordan Bardella sur X, mercredi 19 février. «Une inquiétante décision qui donne raison aux Ayatollahs de la pensée unique, aux oukases d’une gauche sectaire qui ne voudrait voir et entendre qu’une seule voix, celle du système», renchérit Marine Le Pen une heure plus tard sur le réseau social américain.

Dénonçant un «harcèlement de la gauche» et une «censure de gauche triomphante», le président du Rassemblement national regrette que «des millions de téléspectateurs français [soient] aujourd’hui privés de leur chaîne de télévision». Le député RN Laurent Jacobelli joue la surenchère, déplorant «purge médiatique digne des pires régimes totalitaires», en attaquant directement l’Arcom, cible régulière des critiques de l’extrême droite. Encore plus à droite, l’eurodéputée Reconquête Sarah Knafo cible le Conseil d’Etat. «15 juges [...] viennent de priver des millions de Français d’une chaîne qu’ils regardaient chaque soir», a critiqué l’élue française, une régulière de Touche pas à mon poste. Tandis que son ex-coreligionnaire Marion Maréchal, désormais à la tête de son propre parti Identité-Libertés, estime que la décision du Conseil d’Etat «classe la France comme un pays où le pluralisme médiatique, déjà mal en point, recule».

«Autorité administrative obscure»

Ce ne sont pourtant pas les idées portées par la chaîne et son émission-phare qui sont visées dans la décision, mais plutôt «les manquements réitérés commis par la chaîne au cours des dernières années à ses obligations légales et conventionnelles, notamment en matière de respect des droits de la personne, de protection des mineurs et de maîtrise de l’antenne». Depuis sa création, C8 est la chaîne la plus sanctionnée pour ses dérapages avec un total 7,6 millions d’euros d’amende. «La chaîne n’ayant, depuis sa création il y a vingt ans, jamais atteint l’équilibre financier, le plan de croissance figurant dans son dossier de candidature contraste avec ses résultats et les perspectives d’évolution du marché publicitaire», ajoutait l’institution.

Si l’extrême droite s’est autant émue de la fin de la chaîne, c’est aussi parce qu’elle y avait son rond de serviette. «J’ai pu constater les qualités d’intervieweur politique de Cyril Hanouna», gratifie Marion Maréchal dans son message, en effet guère bousculée lors de ses passages chez Hanouna. Lequel aimait aussi à composer des plateaux composés d’invités d’extrême droite. «Ciotti, Knafo, Chenu : dans TPMP, la seule couleur qui reste c’est le brun, dénonçait l’historien des médias Alexis Lévrier après l’émission du 13 juin 2024, en pleine campagne législative. Bolloré et Cyril Hanouna ne se cachent même plus derrière le masque de l’infotainment.» Selon un sondage de l’Ifop pour Marianne publié en juin 2024, 50 % des téléspectateurs des émissions de Cyril Hanouna ont voté pour l’extrême droite aux européennes.

Mais l’extrême droite n’est pas la seule à avoir réagi à la fermeture de la chaîne. Au sein même du gouvernement, une voix s’est levée pour soutenir la chaîne. «C8 avait trouvé son public. Sa disparition du paysage audiovisuel la prive d’un espace d’expression, a écrit mercredi le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, souvent à l’unisson de l’extrême droite dans ses sorties. Tout mon soutien aux nombreux salariés et intervenants qui ont perdu leur emploi.» L’air grave, son concurrent pour prendre la tête des Républicains s’est aussi exprimé dans une vidéo le même jour. Qualifiant l’Arcom d’«autorité administrative obscure», l’actuel président des Républicains Laurent Wauquiez a dénoncé une institution «qui s’est arrogé un droit de vie ou de mort sur cette chaîne». Pour le député de la Haute-Loire, cette décision a été prise pour une raison principale : C8 «appartient à un groupe médiatique qui ne convient pas à certains et qui ne pense pas comme il faudrait», soit le groupe Canal du milliardaire breton Vincent Bolloré, qui porte les mêmes idées de l’extrême droite. Des arguments brandis par l’ancien patron du parti Eric Ciotti. S’ils ne sont plus dans le même parti, les deux hommes du moins sur une idée : ils réclament la suppression de l’Arcom.