«Restons unis […], groupés et debout.» Entouré de ses ministres de l’Intérieur et de l’Education nationale – tous trois, visage grave et fermé –, Emmanuel Macron prend la parole, en fin d’après-midi, au sein du lycée Léon-Gambetta à Arras (Pas-de-Calais). Le Président salue la mémoire de Dominique Bernard, professeur de lettres, «lâchement et sauvagement assassiné», qui, en s’interposant face à l’assaillant, a «sans doute sauvé lui-même beaucoup de vies». Remerciant le proviseur pour son courage, les enseignants et l’ensemble de la communauté pédagogique, il loue toutes les équipes de sécurité et de secours (policiers, gendarmes, magistrats, Samu) pour leur «réactivité». Ainsi que l’ensemble des services publics, au chevet d’une école meurtrie, «une fois encore, par la barbarie du terrorisme islamiste».
Arrivé deux heures plus tôt, Emmanuel Macron a longuement échangé avec les personnels de l’établissement et les équipes de soins, avant de s’incliner devant la dépouille du professeur tué, recouvert d’une couverture sur le parking du lycée. Venu en urgence pour «témoigner du soutien de la nation», le chef de l’Etat conclut son intervention de cinq minutes : «Nous faisons bloc et nous tenons debout. […] Le choix est fait de ne pas céder à la terreur, de ne rien laisser nous diviser et de rappeler combien l’école et la transmission sont justement au cœur de cette lutte contre l’obscurantisme.»
Trois ans presque jour pour jour après l’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020, les mots du Président font tragiquement écho à ceux qu’il avait choisis en se rendant, le soir même à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), où fut tué le professeur d’histoire par un terroriste islamiste. «Tous et toutes, nous ferons bloc, affirmait-il alors. L’obscurantisme et la violence ne gagneront pas. Ils ne nous diviseront pas. C’est ce qu’ils cherchent, et nous devons nous tenir tous ensemble.»
«Bouclier de l’unité»
«L’unité», encore, était le message principal, répété à trois reprises, de son allocution de jeudi consacrée au conflit israélo-palestinien : «Ce bouclier de l’unité qui nous protégera de tous les débordements, de toutes les dérives, de toutes les haines.» Une promesse rendue bien fragile par l’attentat d’Arras et par une tentative, déjouée, à Limay (Yvelines).
Emmanuel Macron, à son retour d’Arras, a présidé une réunion de sécurité à l’Elysée en présence d’Elisabeth Borne, des patrons des services de renseignement et des ministres de l’Intérieur, de la Justice, de la Défense, de l’Education nationale, des Affaires étrangères et de l’Enseignement supérieur. A l’issue de cette réunion, la France est passée en alerte «urgence attentat».
Dès après l’attaque, Gabriel Attal avait, lui, demandé aux recteurs de prendre «sans délai toutes les mesures afin de renforcer la sécurité» des établissements scolaires. Le ministre de l’Education devait réunir vendredi soir les syndicats d’enseignants. A la mi-journée, tous les ministres avaient été priés d’annuler leurs déplacements tandis que la Première ministre, en route pour Orléans, a rebroussé chemin pour rentrer illico à Paris. «La nation est sous le choc. Cibler l’école, les professeurs, les agents, c’est s’attaquer à la République», a-t-elle réagi.
Le RN pointe déjà «l’immigration massive»
L’exécutif se sait sous le feu nourri de la droite et de l’extrême droite, où l’on ne s’embarrasse plus guère de délais de décence avant de s’engager dans une surenchère de propositions liberticides. Le président de LR, Eric Ciotti, a demandé au chef de l’Etat d’activer l’état d’urgence avant même que les faits ne soient détaillés par le Parquet national antiterroriste. «N’attendons pas que la France soit touchée plus durement, il faut agir de façon préventive», a exigé Ciotti manu militari dans un communiqué publié à peine trois heures après l’attentat, tandis que le Rassemblement national pointait déjà le rôle de «l’immigration massive». Et le président du RN, Jordan Bardella, d’en profiter pour appeler à «la démission immédiate du ministre de l’Intérieur».
L’ambiance était plus digne et moins à la récupération à l’Assemblée nationale, où les différents groupes ont successivement pris la parole après une suspension des débats. «Nous ne céderons jamais face à l’obscurantisme», a promis le président du groupe Renaissance, Sylvain Maillard. Et par la voix de leur chef de file, Boris Vallaud, les députés socialistes se sont dits «disponibles pour faire face, pour faire bloc et défendre la paix civile».