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Défense

Après le discours d’Emmanuel Macron, la revue nationale stratégique défend l’instauration d’un service militaire volontaire

Dans la nouvelle mouture du document qui fixe les orientations géostratégiques françaises, publié ce lundi 14 juillet, est mentionnée la création d’une nouvelle formation militaire basée sur le volontariat. Objectif : «créer un réservoir de personnes mobilisables en cas de crise».
A la base militaire de Montigny-les-Metz (Moselle), le 15 octobre 2015. (Jean-Christophe Verhaegen /AFP)
publié le 14 juillet 2025 à 17h28

C’est l’une des pistes évoquées par Emmanuel Macron dans son discours aux armées dimanche soir pour faire face à un monde où «la liberté n’a jamais été autant menacée depuis 1945» : une nouvelle formation militaire pourrait bientôt être instaurée en France. En ce sens, la revue nationale stratégique 2025 publiée ce lundi 14 juillet mentionne la possible création d’un «service militaire volontaire rénové». Ce panorama des risques et enjeux géostratégiques pour le pays n’avait pas été actualisé depuis trois ans. Et selon ce document rédigé par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, à la demande du Président, l’un des principaux enjeux serait à l’avenir de «renforcer la cohésion nationale et créer un réservoir de personnes mobilisables en cas de crise.»

Si le chef de l’Etat et des Armées a annoncé qu’il tranchera «à l’automne» sur «l’organisation de la mobilisation de notre jeunesse et l’accroissement de notre réserve», dans les faits, un service militaire volontaire (SMV) existe déjà. Depuis 2015, environ 1 000 jeunes s’y engagent chaque année. Mais il s’agit avant tout d’un dispositif de formation et d’insertion professionnelle, avec un encadrement militaire.

Dans sa nouvelle version, la formation militaire serait «proposée aux Français majeurs» et pourrait «déboucher sur un engagement», précise la revue stratégique. Lors de son discours dimanche soir, le président de la République a estimé qu’il fallait «donner à la jeunesse un nouveau cadre pour servir, selon d’autres modalités, au sein de nos armées», ces dernières devant «gagner en masse», selon lui.

Si les pays scandinaves ou les Baltes, voisins du géant russe, ont maintenu ou rétabli ces dernières années le service militaire obligatoire, la France a pour sa part suspendu la conscription en 1997. Mais face à une Europe «mise en danger» par la «menace durable» de la Russie, «il faut une nation capable de tenir, d’être mobilisée», a encore poursuivi Emmanuel Macron.

Les contours de ce service et sa durée, tout comme son coût, ne sont pas fixés. Différents scénarios envisagent un volume allant de 10 000 à 50 000 personnes par an, selon plusieurs sources proches du dossier. Resteront à trancher les épineuses questions d’infrastructures, d’encadrement et de financement, dans un contexte budgétaire extrêmement tendu.

Mais les arbitrages rendus à l’automne par Emmanuel Macron concerneront aussi «l’avenir du SNU», le service national universel - l’une de ses mesures emblématiques. Depuis 2019, ce service civil de deux semaines est destiné aux mineurs de 15 à 17 ans. Mais n’a jamais trouvé son rythme de croisière et ses crédits ont été progressivement rabotés. D’après les chiffres de Matignon, le SNU a mobilisé 56 812 jeunes en 2024. Il devait coûter 160 millions d’euros cette année-là, selon le projet de loi de finances.

«Acquérir la masse»

«Un des enseignements de l’Ukraine, c’est que ce sont les armées qui gagnent les combats, mais ce sont les nations qui gagnent les guerres», rappelle le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill. A ce titre, il est donc nécessaire selon lui d’impliquer les citoyens dans la défense. Pour le haut gradé, l’avenir est à une «armée mixte», mêlant professionnels, réservistes et volontaires faisant leur service.

Les armées françaises comptent environ 200 000 militaires d’active et 47 000 réservistes, et doivent passer à respectivement 210 000 et 80 000 personnes en 2030.

La mobilisation sur la base du volontariat d’une partie d’une classe d’âge pourrait servir à répondre aux besoins d’«acquérir la masse» nécessaire pour tenir dans la durée en cas de conflit, selon le général Pierre Schill. Il voit également un éventuel service comme «un des robinets de la réserve» et à plus long terme comme un moyen pour l’armée de Terre de pouvoir continuer à recruter 15 000 militaires par an alors qu’avec l’évolution démographique, «en 2035 la classe d’âge à 20 ans aura décru de 100 000 personnes par rapport à aujourd’hui».

Pour la sociologue Bénédicte Chéron, spécialiste du lien armée-Nation, les bénéfices attendus d’un service militaire volontaire ne vont pas de soi. «Si l’objectif, c’est la cohésion sociale et nationale, je pense qu’on fait fausse route. Un service militaire, même quand il mobilise massivement chaque classe d’âge, ne vient pas infléchir les grandes tendances sociales et politiques qui sont à l’œuvre dans une société», affirme-t-elle. Quant au fait qu’il fournirait un vivier pour le recrutement, c’est selon elle «une intuition» et cela pourrait au contraire conduire à un effet d’éviction.

«Le principe du volontariat, même s’il est suscité, fait que les jeunes qui vont venir sont des jeunes qui sont déjà plutôt prédisposés à s’intéresser aux questions de sécurité et de défense», et qui pourraient considérer le service comme une «voie test» avant de décider ou non d’un engagement dans l’armée, explique-t-elle.