Le pompier François Bayrou sort l’extincteur. Face au Rassemblement national qui laisse planer depuis plusieurs semaines la menace d’une motion de censure, bravade accentuée par la condamnation de Marine Le Pen dans l’affaire des assistants parlementaires européens, le Premier ministre a annoncé la tenue «dans les prochaines semaines» d’un débat au Parlement sur la feuille de route énergétique du pays. «Je considère qu’il est normal que le Parlement s’exprime sur un sujet aussi important», a expliqué le chef du gouvernement au Figaro, qui a révélé l’information mercredi 2 avril. Un débat organisé au titre de l’article 50-1 de la Constitution, qui permet au gouvernement de faire une déclaration. Possible théoriquement, le débat ne sera en revanche pas suivi d’un vote, selon des sources gouvernementales.
Députés et sénateurs débattront de la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie, dite «PPE 3», qui fixe des objectifs en matière de production et de consommation d’énergie sur la période 2025-2035. L’objectif étant de placer la France sur la voie de la neutralité carbone en 2050.
«Bayrou, il commence à m’énerver»
Jusqu’à l’annonce du Premier ministre, cette loi devait être adoptée par décret, comme l’avait indiqué au printemps 2024 l’ancien ministre de l’Industrie et de l’Energie, Roland Lescure. Une voie de passage moins risquée pour l’exécutif, alors que la droite et l’extrême droite militent pour le nucléaire tout en étrillant l’énergie éolienne. «En phase de consultation jusqu’au 5 avril», selon l’entourage du Premier ministre, cette programmation pourrait théoriquement être adoptée par décret après cette date. Mais les enjeux qu’elle recouvre soulèvent de sérieuses interrogations parmi les parlementaires.
Notamment chez Marine Le Pen, qui s’est épanchée auprès du Figaro Magazine mi-mars lors de son déplacement au Tchad. «S’ils mettent en œuvre ce plan de 37 milliards d’euros de RTE pour raccorder les éoliennes en mer par décret, sans passer par le vote, je vais me fâcher. […] Bayrou, il commence à m’énerver.» «Si vous ne consultez pas le Parlement nous aussi nous allons vous rendre un hommage à la Luc Rémont, en vous renvoyant», mettait également en garde Jean-Philippe Tanguy, numéro 2 du groupe parlementaire, lors d’une question au gouvernement, fin mars. Une allusion claire à la non reconduction du patron d’EDF. Au sein du gouvernement, on tient à préciser que les élus lepénistes ne «sont pas les seuls à demander un débat», avance une conseillère ministérielle.
Un vote prévu sur une proposition de loi
En plus de ce débat parlementaire, le gouvernement a fait savoir qu’une proposition de loi du sénateur (LR) Daniel Gremillet, «portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l’énergie», sera également inscrite à l’ordre du jour d’ici à la fin de la session parlementaire, soit avant l’été. Une réponse à la droite parlementaire qui, elle aussi, maintient la pression sur ce sujet, déplorant une feuille de route manquant d’une «vision globale». Dans un courrier adressé à François Bayrou mardi 11 mars, 165 sénateurs LR et centristes prévenaient : «Sur un sujet aussi majeur pour l’avenir de notre pays, il nous semblerait totalement inconcevable que la représentation nationale soit ignorée.»
Le ministre de l’Industrie et de l’Energie, Marc Ferracci, s’était déjà dit «ouvert» à l’idée d’un débat, «y compris avec un vote à la fin». Une source gouvernementale estime auprès de Libération que la proposition de loi du sénateur Gremillet est «compatible dans les lignes avec» la PPE 3. Son contenu serait même «mot pour mot» ce que propose le Rassemblement national. Le groupe RN à l’Assemblée a en effet déposé, mardi 1er avril, un texte à l’identique de celui de la droite sénatoriale, dont le but était d’ouvrir les débats au Palais-Bourbon. Et cette source gouvernementale d’ajouter : «Cette proposition de loi fera l’objet d’un vote.» Côté RN, on ne cache pas sa satisfaction. «Un vote sur un débat ne sert à rien, indique Jean-Philippe Tanguy. On veut l’application de la loi de 2019 qui oblige le Parlement à voter une loi de programmation avant juillet 2023. Le Sénat l’a fait, pas l’Assemblée.» De quoi éloigner le risque d’une censure ? Un proche de Bayrou élude, philosophe : «La censure, on vit avec tous les jours. Ça peut venir sur chaque texte. Si on se met à avoir peur à chaque coup de menton…»