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Pavillon

A Nice, Christian Estrosi refuse d’ôter le drapeau israélien du fronton de l’hôtel de ville

L’élu Horizons a opposé une fin de non-recevoir au préfet des Alpes-Maritimes, qui demandait que soit retiré l’étendard «au nom du principe de neutralité du service public».
Christian Estrosi à Nice, le 9 juin. (Manon Cruz/Reuters)
publié le 16 juin 2025 à 16h08
(mis à jour le 18 juin 2025 à 17h08)

«Désolé, mais non». Bien que le préfet des Alpes-Maritimes le lui ait demandé lundi 16 juin, Christian Estrosi (Horizons), maire de Nice, refuse d’enlever le drapeau israélien accroché au fronton de l’hôtel de ville depuis l’attaque terroriste du 7 octobre 2023.

Auprès de Nice-Matin mardi soir, Christian Estrosi confirme avoir reçu le courrier du préfet Laurent Hottiaux et explique s’être entretenu avec lui lundi soir, par téléphone, «je lui ai répondu que j’étais désolé de lui dire non». Avant d’ajouter, «c’est un refus au gouvernement, pas au préfet. […] Ce ne sont pas ses instructions, mais les instructions gouvernementales. J’ai d’excellentes relations avec ce préfet. Il est dans ce rôle et je le comprends et je suis dans le mien. Je ne l’enlèverai que le jour où le dernier otage sera rendu à sa famille».

Christian Estrosi a également tenu à rappeler que plusieurs recours avaient déjà été déposés devant le tribunal administratif pour réclamer ce retrait. Pour l’instant, la cour n’a rendu qu’une seule décision, en rejetant fin mai 2024 «pour défaut d’urgence» un recours en référé déposé par trois citoyens niçois anonymes.

Dans une circulaire adressée le 17 juin aux mairies des Alpes-Maritimes, le préfet exprime son opposition à tout drapeau étranger, quel qu’il soit, dans les mairies, «au nom du principe de neutralité du service public». «Ce principe fait obstacle à toute prise de position de ces administrations en matière politique, religieuse, philosophique ou syndicale. Dans ces conditions, l’apposition de drapeaux est susceptible d’être assimilé à une telle prise de position», précise Laurent Hottiaux, en poste depuis un mois.

Des dispositions prises également en région parisienne, où le préfet des Hauts-de-Seine, Alexandre Brugère, a adressé un courrier, daté du 13 juin, au maire communiste de Gennevilliers, Patrice Leclerc, lui réclamant de retirer le drapeau palestinien hissé depuis une semaine sur le parvis de l’hôtel de ville. Selon une information d’Europe 1 confirmée par Libération, le préfet, invoquant le principe de neutralité auxquels sont soumis les services publics, estime que cet acte incarne «un caractère politique dans le contexte actuel du conflit israélo-palestinien». La mairie de Gennevilliers doit ainsi retirer immédiatement la bannière pour «se conformer à ses obligations légales en matière de neutralité républicaine».

«Parvis aux couleurs de l’Ukraine»

Ce qui suscite l’incompréhension de Patrice Leclerc, qui laisse planer le doute sur son intention de retirer le drapeau. «Je constate que ce type de courrier […] ne m’a été adressé que concernant le pavoisement du drapeau palestinien, et non lorsque le parvis de l’hôtel de ville a été pavoisé aux couleurs de l’Ukraine», s’étonne-t-il dans un courrier envoyé au préfet et diffusé sur les réseaux sociaux. Avant le préfet des Hauts-de-Seine, son homologue en Seine-Saint-Denis, avait annoncé dimanche qu’il «[allait] écrire au maire de Saint-Denis», dimanche 15 juin, pour lui demander de retirer le drapeau palestinien hissé sur la façade de l’hôtel de ville deux jours auparavant.

Dans sa lettre, Alexandre Brugère affirme également que l’affichage de ce drapeau noir, blanc, vert et rouge répond à une décision isolée du maire et ne reposerait en aucun cas sur une délibération du conseil municipal. Un rappel «fondé concernant l’incompétence du maire pour décider seul du pavoisement d’un drapeau sur le fronton ou le parvis de la mairie», concède l’élu communiste, qui annonce qu’une délibération en ce sens sera présentée lors du prochain conseil municipal, le 25 juin.

Un préfet engagé à droite

Dans son courrier, l’édile fait également valoir que son initiative s’inscrit dans une «dynamique politique nationale» : «Le président de la République s’est récemment exprimé en faveur de la reconnaissance de l’Etat de Palestine». Patrice Leclerc souligne par ailleurs que plusieurs organisations internationales comme les Nations unies ou la Cour pénale internationale ont relevé des «violations graves du droit international humanitaire» à Gaza. Et conclut : «Notre démarche s’inscrit dans un esprit de paix, de solidarité internationale et d’amitié entre les peuples.»

Alexandre Brugère, ancien élu LR à Asnières et ex-directeur de cabinet de Gérald Darmanin, avait déjà fait parler de lui début juin. Le sénateur communiste Pierre Ouzoulias avait révélé qu’il avait été invité à donner une conférence sur l’islamisme dans la salle paroissiale du Diocèse de Nanterre. Il devait présenter un texte publié sous la forme d’un «témoignage» sur le site de la fondation pour l’innovation politique (Fondapol). Un think tank libéral dont Libé décrivait, en 2023, le durcissement sur les questions d’immigration. L’opuscule, agrémenté d’une préface de Bruno Retailleau, s’intitule Combattre l’islamisme sur le terrain. On y recense ses réflexions sur la «menace» des «islamistes» dans divers secteurs tels que l’éducation, le sport, «cible de choix de l’offensive islamiste» ou encore la «vie politique municipale» où s’effectuerait selon lui un «entrisme».

Mise à jour : ce mercredi 18 juin à 17 h 04, avec le refus de Christian Estrosi d’enlever le drapeau israélien et la circulaire du préfet des Alpes-Maritimes adressée aux maires.