Quelques heures avant qu’à Paris des élus socialistes soient pris pour cible dans le défilé du 1er Mai, une gauche presque réunie s’affichait à Dunkerque en soutien des salariés d’ArcelorMittal. Plusieurs centaines de personnes étaient rassemblées à l’appel de la CGT pour protester contre le plan de suppression d’environ 600 postes annoncé par le géant de la sidérurgie dans ses sites du nord et de l’est de la France, dont une majorité dans la ville portuaire. Parmi les manifestants : Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, Marine Tondelier, la secrétaire nationale des Ecologistes, Fabien Roussel, le chef du parti communiste ou encore les députés du groupe écologiste François Ruffin et Benjamin Lucas, tous pour réclamer une intervention de l’Etat.
Cette mobilisation commune intervient au moment où les tenants du rassemblement tentent de construire un chemin unitaire. Après un appel à l’organisation d’une primaire lancé par Lucie Castets dans Libération, un sondage Harris Interactive publié par la revue de gauche Regards est venu conforter les unitaires en montrant que rassemblée, la gauche pouvait arriver au second tour.
«On est là pour les salariés»
«C’est une gauche unie sur du fond», s’est félicité François Ruffin à Dunkerque. A une exception près : aucun insoumis ne figure parmi les signataires du communiqué commun publié le 30 avril. La présidente de la commission des affaires économiques Aurélie Trouvé, les députés Aurélien Le Coq et Gabrielle Cathala étaient bien présents dans le cortège, mais le mouvement n’avait pas été associé à la démarche. «Il a été publié sans nous être proposé», a réagi Manuel Bompard, le coordinateur de la France insoumise.
L'édito de Dov Alfon
Depuis plusieurs semaines, François Ruffin, Marine Tondelier et Fabien Roussel, tous élus dans les Hauts-de-France, suivent le dossier. La secrétaire nationale des Ecologistes, qui milite pour une union large et est en contact constant avec Olivier Faure, en avait parlé avec son homologue socialiste. Quelques jours avant la manifestation, le député de la Somme a donc proposé à ses partenaires de cosigner un communiqué qu’il s’est proposé de rédiger. «Il m’a dit qu’il ne savait pas que les insoumis viendraient, affirme l’un des signataires. Moi-même, j’ai vu qu’Aurélie Trouvé venait la veille au soir.» Depuis la dissolution et l’éviction brutale de figures insoumises lors des législatives de 2024, le fondateur de Fakir et la direction insoumise n’ont plus aucun contact, si ce n’est des attaques par médias interposés. Marine Tondelier, qui milite pour une large union de la gauche, allant jusqu’aux insoumis, s’agace : «Je trouve ça épuisant, on est là pour les salariés et on se retrouve à parler du périmètre du communiqué de presse, c’est indécent.»
Les renoncements du PS
Les troupes de Jean-Luc Mélenchon, de leur côté, en ont profité pour marquer leur différence avec le reste de la gauche, et notamment les socialistes, ramenés au quinquennat Hollande. «Est-ce que Macron va trahir Dunkerque comme Sarkozy a trahi Gandrange, comme Hollande a trahi Florange ?» a interrogé Aurélie Trouvé.
Le traumatisme Florange est encore vivace, perçu comme la manifestation des renoncements du PS. Le 24 février 2012, François Hollande, candidat à la présidentielle juché sur le toit d’une camionnette, avait promis aux salariés d’ArcelorMittal en lutte contre la fermeture des hauts-fourneaux de Florange qu’une fois élu, il ferait adopter une loi pour contraindre Mittal à garder ses deux hauts-fourneaux, ou à céder l’ensemble de ses usines de la vallée. Un an plus tard, le sort des hauts fourneaux était scellé, et Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif qui avait plaidé pour une nationalisation temporaire, perdait l’arbitrage élyséen. Son conseiller spécial s’appelait alors Boris Vallaud, qui rejoindrait ensuite François Hollande comme secrétaire général de l’Elysée. Il préside aujourd’hui le groupe socialiste à l’Assemblée nationale et compte se présenter face à Olivier Faure pour prendre la tête du parti. Jeudi, François Ruffin, qui n’a eu de cesse de dénoncer les socialistes, était aux côtés de Vallaud et Faure. Un signe de leur réhabilitation ?