Parti de métropole mardi soir, Emmanuel Macron a débuté sa visite éclair en Nouvelle-Calédonie ce jeudi 23 mai au matin, après une semaine d’émeutes à la suite du vote de la réforme gouvernementale, qui ont laissé l’archipel profondément meurtri et dans l’impasse politique. Arrivé aux côtés des ministres Gérald Darmanin (Intérieur), Sébastien Lecornu (Armées) et Marie Guévenoux (Outre-mer), le président de la République a promis des «décisions» et des «annonces» à «l’issue de cette journée», même s’il a assuré n’avoir «pas de limite» de temps sur place.
«Ma volonté (..) est d’être aux côtés de la population pour que le plus vite possible, ce soit le retour à la paix, au calme, à la sécurité. C’est la priorité des priorités», a affirmé le chef de l’Etat dès sa descente de l’avion à l’aéroport Magenta de Nouméa, accompagné de Gérald Darmanin (Intérieur), Sébastien Lecornu (Armées) et Marie Guévenoux (Outre-mer).
Tribune
Déterminé à rétablir l’ordre, Emmanuel Macron a assuré que les quelque 3 000 membres des forces de sécurité déployés «resteront aussi longtemps que nécessaire, même durant les Jeux olympiques et paralympiques» de Paris qui prennent fin début septembre. Quant à l’état d’urgence en vigueur depuis une semaine, il «pense» qu’il «ne devrait pas être prolongé» au-delà des douze jours légaux, c’est-à-dire lundi prochain, à condition que «tous les dirigeants» de l’archipel «appellent à lever les barrages».
Alors que depuis le début des émeutes sur l’archipel français du Pacifique, six personnes ont été tuées, dont deux gendarmes mobiles, Emmanuel Macron a observé une minute de silence en préambule d’une réunion de plus de trois heures et demie avec des élus et acteurs économiques poursuivie par un déjeuner informel.
Le Président a ensuite visité un commissariat du centre de Nouméa, où il a salué «le sang froid» et «le professionnalisme» des policiers et des gendarmes déployés sur le terrain face à un «mouvement d’insurrection absolument inédit». Une colère que, selon lui, «personne n’avait vu venir avec ce niveau d’organisation et de violence». «On ira jusqu’au bout, les jours et les semaines qui viennent seront encore difficiles», a-t-il ajouté.
«Apaisement constructif»
Accompagné des trois hauts fonctionnaires qui auront pour mission de renouer le dialogue avec les indépendantistes et non indépendantistes, Emmanuel Macron a aussi appelé à un «apaisement constructif» et à la recherche d’une «solution» politique. Mais sans revenir sur le résultat des trois référendums - dont le dernier est très contesté - qui ont acté le maintien du territoire ultramarin dans la République, car «l’apaisement ne peut pas être le retour en arrière», a-t-il plaidé.
Le Président n’a toutefois pas dit clairement comment il entendait déminer ce qui fut le détonateur des émeutes, à savoir le vote à l’Assemblée nationale du dégel du corps électoral de l’archipel. Une réforme constitutionnelle décriée par les indépendantistes et qui doit encore être votée par les députés et sénateurs réunis en Congrès avant la fin juin, sauf si un accord sur un texte global entre indépendantistes et loyalistes intervient d’ici là. Une gageure alors que le dialogue est au point mort, incitant une grande partie de la classe politique, jusqu’au sein du camp macroniste, à demander un report du Congrès.
Dans cette perspective, Emmanuel Macron, qui tente avec ce déplacement surprise un vrai coup de poker, a dit venir avec «beaucoup de respect, d’humilité». Son dernier déplacement dans l’archipel, en juillet 2023, avait été boycotté par des indépendantistes kanaks. Ce jeudi matin, les indépendantistes Roch Wamytan, président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, et Louis Mapou, président du gouvernement calédonien, ont assisté à la première réunion autour du chef de l’Etat. Un second rendez-vous, plus axé sur les questions politiques et institutionnelles, a également rassemblé toutes les composantes des partis indépendantistes, selon la liste de la délégation diffusée par l’Elysée. Sont notamment autour de la table, plusieurs dirigeants du premier parti indépendantiste de l’archipel, l’Union calédonienne (UC), ainsi que Christian Tein, membre de l’UC et chef de file de la CCAT, collectif indépendantiste qui organise la contestation, pourtant assigné à résidence.
Interview
En attendant, sur le terrain, «la nuit a été calme», a déclaré ce jeudi matin le Haut-commissaire Louis Le Franc. «Il n’y a pas eu de dégâts supplémentaires mais il y a tellement de choses qui sont détruites», a-t-il encore fait valoir, alors que 281 personnes ont été placées en garde à vue depuis le 12 mai, à une écrasante majorité pour des atteintes aux biens, selon une source judiciaire.
Si un retour à la vie normal s’est amorcé dans le centre de Nouméa, la route qui relie le nord de la capitale à Dumbéa, de nombreux barrages filtrants et des carcasses de voitures incendiées continuent de hacher la circulation. Dans le Grand Nouméa, ces barrages se sont même renforcés dans la nuit. Les indépendantistes y ont hissé leurs drapeaux et tendu des banderoles «Non au dégel» ou «Darmanin assassin».
Mise à jour : à 11h35, avec une deuxième réunion organisée par Emmanuel Macron, à laquelle assistent l’ensemble des partis indépendantistes.