Et si le chemin de croix judiciaire de Julian Assange s’achevait en France ? C’est le sens de la proposition de résolution qui sera examinée vendredi à l’Assemblée nationale dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Libertés et Territoires. Porté par la députée Jennifer de Temmerman (ex-LREM) et endossé par plus de soixante députés de la majorité et de l’opposition, dont les candidats à l’élection présidentielle Fabien Roussel et Jean-Luc Mélenchon, le texte appelle le gouvernement à accorder l’asile politique au fondateur de WikiLeaks. Détenu au Royaume-Uni depuis 2019 et son arrestation dans l’ambassade d’Equateur à Londres, le journaliste australien pourrait être extradé aux Etats-Unis, où il encourt 175 ans de prison pour avoir obtenu et diffusé en 2010 des milliers de documents et de câbles diplomatiques portant notamment sur la guerre menée par Washington en Afghanistan et en Irak. Pour Jennifer de Temmerman, la France se doit de «proposer une voie d’ouverture» en accueillant Julian Assange sur son territoire.
Pourquoi la France devrait-elle accorder l’asile politique à Julian Assange ?
La France s’enorgueillit d’être très en avance sur la question des lanceurs d’alerte et de leur protection. Julian Assange est un cas d’école. C’est une figure emblématique des lanceurs d’alertes qui est dans une situation absolument déplorable, dénoncée par les Nations unies. Il a été l’objet de traitements qui sont proches de la torture et qui ne sont pas admissibles dans un pays signataire de la Convention européenne des droits de l’homme. Un pays comme la France ne peut pas accepter qu’une personne comme Julian Assange, en lutte pour la liberté d’expression, soit détenue dans des conditions pareilles. D’autant que le fondateur de WikiLeaks a rendu service à la France. Il a dénoncé des pratiques qui ne sont pas admissibles entre pays alliés, à savoir l’espionnage de plusieurs présidents de la République et de plusieurs ministres de l’Economie et des Finances. C’est aussi pour ces services rendus que Julian Assange devrait être accueilli sur notre territoire.
En 2020, les avocats de Julian Assange ont déjà formulé une demande d’asile auprès de la France, mais l’exécutif avait fait la sourde oreille. Imaginez-vous cette fois que la majorité puisse approuver votre résolution ?
La majorité ne serait pas crédible si elle refusait notre proposition. C’est au sein de cette majorité qu’a été portée la loi sur la protection des lanceurs d’alerte qui a été approuvée mardi matin en commission mixte paritaire. Le député du Modem Sylvain Waserman a porté au niveau de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe la volonté de la majorité de protéger les lanceurs d’alerte. On ne peut pas donner des leçons à nos collègues européens un jour et dire «ça ne marche pas pour Julian Assange» le jour d’après. Pour quel motif pourrait-on lui refuser l’asile ? Lors de sa première demande, il avait été dit qu’il ne pouvait pas prétendre à l’asile car il ne se trouvait pas sur le territoire français. Notre résolution répond à cette difficulté, en proposant des pistes pour un dispositif qui permettrait aux lanceurs d’alerte qui ne seraient pas sur le territoire français de demander l’asile via les réseaux consulaires.
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Quand bien même la résolution serait adoptée et l’asile accordé à Julian Assange, celui-ci restera incarcéré dans une prison en Angleterre. Il ne pourra pas en sortir à moins que les Etats-Unis renoncent à leurs poursuites ou que le Royaume-Uni refuse l’extradition. Quelle est alors la valeur de votre résolution ?
Dans ce cas, ce ne sera plus entre nos mains. Ce sera aux avocats de Julian Assange de faire entendre la voix de la France qui se sera positionnée très clairement sur le dossier en accordant le droit d’asile. Cela pourrait enlever une épine du pied des Britanniques et des Américains. La France pourrait proposer une voie d’ouverture et apporter une conclusion à ce méli-mélo psychodramatique qui dure depuis bien trop longtemps, alors que Julian Assange a juste fait son travail de journaliste.
Plus largement, votre proposition appelle aussi à faire de la question des lanceurs d’alerte une priorité de la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Pourquoi est-ce un sujet aussi important ?
Aujourd’hui, il y a plein de lanceurs d’alerte qui se manifestent sur des sujets très différents, comme l’espionnage, le climat ou la santé. Ces personnes ne sont pas toujours écoutées. Elles se retrouvent souvent dans des situations délicates et mettent parfois en péril leur liberté et leur vie. Il n’y a pas que Julian Assange. Il faut donc porter ce sujet au niveau européen pour établir une réelle convention sur laquelle on pourrait s’appuyer pour protéger les lanceurs d’alerte en dépassant les conflits diplomatiques entre les Etats.