Les formes métalliques des grues portuaires peinent à se dévoiler dans le brouillard matinal. A l’approche des terminaux, les semi-remorques défilent. Le cœur de la ville d’Edouard Philippe bat ici, sur ces dix mille hectares de zones portuaires, d’entrepôts et de conteneurs posés les uns sur les autres. A deux pas, les Neiges. Un quartier enclavé d’un peu moins de 1 800 habitants. Le bastion des dockers. Ils sont là, en tenues jaunes ou orange fluo, s’agitant derrière de hautes grilles. Le quartier est aussi un fief des communistes – du moins il l’a été. «C’était rouge vif ici avant», se marre un commerçant, dans la rue des Chantiers.
La désindustrialisation, le sentiment d’abandon et de relégation, une lassitude aussi profonde qu’insaisissable, les fins de mois toujours un peu plus dures sont passés par là. Les urnes sont boudées. La politique ? «C’est toujours la même chose, peste Véronique, la cinquantaine, croisée près des jardins ouvriers du quartier. Que des promesses. On n’y croit plus. Les politiques, ils font d’abord pour eux. Nous, ils s’en foutent. Donc je ne vais plus voter.» Une amie attend le bus avec elle. «L’Etat donne des