Ils forment un duo improbable à la tête de la commission d’enquête parlementaire sur les violences dans les établissements scolaires. Les députés Violette Spillebout (Ensemble pour la République) et Paul Vannier (LFI) étaient invités sur France Info ce jeudi 15 mai à débriefer la longue et houleuse audition de François Bayrou réalisée la veille. Ils ont pu exposer leurs points d’accord et de désaccord. «On a deux styles différents, avec Paul Vannier. Dans toutes les auditions, Paul Vannier recherche la chaîne des responsabilités précises, avec des faits, et des dates, sur la base de documents. Et je travaille en complémentarité avec lui sur la façon dont on peut travailler les propositions et voir comment, de façon systémique, les inspections de l’Education nationale ont dysfonctionné à de nombreuses reprises en France ces cinquante dernières années», estime Violette Spillebout.
François Bayrou a-t-il menti ?
Pour Paul Vannier, cela ne fait aucun doute. «Je retiens de cette audition [que] oui, Bayrou a menti à l’Assemblée nationale lorsque plusieurs parlementaires l’ont questionné très directement sur son niveau de connaissance des violences physiques et sexuelles à Bétharram», lance-t-il en référence notamment aux réponses du Premier ministre, le 11 février, devant les députés. Ce jour-là, François Bayrou martelait dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale : «J’affirme que je n’ai jamais été informé de quoi que ce soit de violence, ou de violence a fortiori sexuelles, jamais.»
«Hier, il reconnaît enfin être informé», conclut Paul Vannier. Sa collègue n’a pas la même analyse. «Je ne le pense pas depuis le début [que François Bayrou ait menti à l’AN, le 11 février 2025], c’est la différence que nous avons et que nous exprimons avec Paul Vannier», dit Violette Spillebout. Selon elle, François Bayrou «ne s’est dérobé à aucune question» et «a dit sa vérité».
Paul Vannier a-t-il été trop agressif ?
Durant son audition, François Bayrou a dénoncé une commission d’enquête «pas totalement objective» et un corapporteur désireux de «nourrir un procès en scandale» pour «abattre le gouvernement», en visant Paul Vannier. Selon Violette Spillebout, cette audition a été «politisée» par «la stratégie du Premier ministre», mais aussi par «les déclarations de Paul Vannier». Elle décrit un François Bayrou qui «se défend avec vigueur» car «son honneur est mis en cause».
Paul Vannier, lui, se défend de tout procès politique. Il se dit prêt à encaisser «la violence, l’outrance du Premier ministre». Il affirme avoir conduit cette audition «comme toutes les précédentes avec des questionnements sur des faits, sur des documents que nous avons saisis sur place». Et de dénoncer la stratégie de «déresponsabilisation, de victimisation» de François Bayrou.
Que penser de l’enquête administrative de 1995 ?
L’une des pièces importantes de l’affaire reste le rapport d’inspection commandé par François Bayrou alors qu’il était ministre de l’Education nationale en 1995. Là encore, les deux rapporteurs n’ont pas la même lecture. «François Bayrou estime qu’il a fait son devoir, il a pu le réexprimer dans le détail. Il a regretté n’avoir lu, peut-être que trop vite les conclusions», explique Violette Spillebout.
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Il faut dire que ce document est atypique. Après avoir décrit plusieurs dysfonctionnements dans l’établissement, il tire une conclusion plutôt positive. Selon Paul Vannier, «il y a une défaillance politique majeure, la sienne [celle de Bayrou, ndlr]» mais pas que : «Si en 1996, des conclusions à la hauteur de ce que contenait le rapport avaient été tirées, des centaines de vies d’enfants auraient été protégées», affirme le député LFI.
Faut-il une autorité indépendante ?
Pendant son audition, François Bayrou a prôné la création d’une «autorité indépendante» sur les violences contre les enfants. Cette haute autorité comprendrait «un conseil scientifique» et un «conseil des victimes». Elle concernerait «tous les établissements» scolaires, mais aussi «les associations sportives», «les associations culturelles», «les familles», où elle porterait notamment sur «la question des violences intrafamiliales», a détaillé le Premier ministre.
Violette Spillebout, ne rejette pas la proposition. «Le sujet d’associer les victimes à la réflexion» pour éviter que des faits se reproduisent est «une piste de travail», affirme-t-elle. Elle renvoie à fin juin pour avoir les propositions de la commission d’enquête qui doit mener d’autres auditions d’ici là.