Les trotskistes n’ont pas la réputation de retenir leurs coups. La «grande bourgeoisie», les «actionnaires» et leurs «profits faramineux» sont toujours pris en grippe. Alors forcément, quand une finale de Ligue des champions tourne au fiasco aux portes de Paris, les leaders de Lutte ouvrière (LO) n’y vont pas avec le dos de la cuillère. «Une fois de plus, le gouvernement s’est montré totalement dépassé par la situation. En fait, il est dépassé dans tous les domaines», tacle Nathalie Arthaud dans un communiqué publié ce mardi. Elle dit aussi : «La société craque par tous les bouts.» Le seul moyen d’éviter la «catastrophe» : «Renverser le système.»
A défaut de grand soir, LO a trouvé la parade. Devant plus de 10 000 personnes réunies dans les allées du parc du château de Bellevue pour sa traditionnelle fête annuelle à Presles (Val-d’Oise) ce week-end, Nathalie Arthaud a rappelé qu’en dépit d’idées «minoritaires», et «des résultats électoraux» qui «le rappellent régulièrement», «il n’y a pas à démoraliser». Avec un petit 0,56 % des voix, l’enseignante en économie-gestion est arrivée bonne dernière à l’élection présidentielle. Loin d’être abattue, elle repart au charbon pour les législatives. Elle-même sera candidate dans la 6e circonscription de Seine-Saint-Denis, actuellement détenue par l’insoumis Bastien Lachaud. Surtout, Nathalie Arthaud se fixe l’objectif de porter au maximum la parole de ses poulains. Mission délicate. Lutte ouvrière (LO) n’a jamais été représentée dans l’hémicycle.
«Il y a tous les statuts»
Des candidats seront présents partout en France. «Ils sont à l’image du monde du travail», a tonné l’ancienne candidate à l’élection présidentielle samedi, lors de la fête de son parti. Elle a tenté de dresser quelques profils types : «La plupart sont en activité, certains au chômage. D’autres sont à la retraite ou encore étudiants. Il y a tous les statuts, des salariés du privé, des fonctionnaires, des indépendants aussi, des chauffeurs de taxi, des informaticiens freelance…» C’est une marque de fabrique. A Lutte ouvrière, pas question d’investir des «professionnels de la politique». Pour réussir à s’implanter sur tout le territoire, la formation d’extrême gauche, forte de ses 8 000 adhérents, n’a pas de formule magique. «Nous sommes une organisation militante, implantée partout dans le pays», explique simplement à Libération Jean-Pierre Mercier, ouvrier dans l’automobile et porte-parole de LO.
Pourtant, un paradoxe demeure. Ils ont beau proclamer partout ne pas être «électoralistes», les leaders LO investissent, à chaque fois qu’ils le peuvent, des candidats aux élections. En 2017, Jean-Pierre Mercier déclarait même : «L’opposition à Macron ne se fera pas à l’Assemblée.» Cinq ans plus tard, il n’en retire pas un mot. «Le vrai pouvoir ne se trouve pas à l’Assemblée nationale. Ce n’est pas le bulletin de vote qui peut changer la vie des travailleurs», théorise celui qui goûte peu à la «lutte électorale». Son truc à lui, c’est la «lutte des travailleurs». Rappelons aussi que le financement des partis politiques dépend en grande partie du résultat des législatives. Concrètement, chaque formation qui recueille au moins 1 % des voix dans au moins 50 circonscriptions recevra chaque année pendant cinq ans 1,42 euro par voix obtenue.
Pas de «tripatouillage» ni «d’accord d’appareils»
Dans la bataille des législatives, se raccrocher au wagon de la Nupes n’a jamais été une option. Les mots sont suffisamment durs depuis plusieurs mois contre un Jean-Luc Mélenchon dépeint en «réformiste». L’alliance de gauche qui a vu le jour en vue des 12 et 19 juin ? Une «perspective purement électorale» qualifiée de «dérisoire» par Nathalie Arthaud, qui vilipende des «tripatouillages» et autres «accords d’appareils». Elle regrette que tant de «travailleurs et de syndicalistes s’accrochent à ces illusions électorales» en décidant de «fermer les yeux» sur ce qu’elle qualifie de «revirements opportunistes».
Sur le fond, le discours ne change pas. Samedi, lors de son discours, Arthaud a martelé : «Notre combat est celui de notre classe.» Puis : «Dans cette période de crises, de guerre, de recul politique et de montée de l’extrême droite, nous sommes particulièrement fiers de montrer qu’il existe, à l’échelle de tout le pays, un courant communiste et révolutionnaire.» Et puisqu’une campagne électorale coûte cher – il faut notamment imprimer affiches et tracs en nombre –, Lutte ouvrière lance un appel aux dons. «Les militants, les sympathisants et plus largement les travailleurs» sont appelés, s’ils le peuvent, à mettre la main à la poche.