Même les ordinateurs de Matignon ont des fourmis dans les jambes. C’est qu’il est long cet entre-deux depuis la réélection d’Emmanuel Macron, qui avait juré de gouverner jusqu’au dernier «quart d’heure» de son premier quinquennat mais visiblement pas dès sa réélection. Ce samedi, le site internet du gouvernement a donc pris les rênes, annonçant… la démission du Premier ministre Jean Castex et de son équipe.
Repérée par France Info, la bourde - un fort opportun «bug technique» rapidement réparé - vient souligner avec malice que tout le monde en a ras la casquette de ce suspense pendant lequel toutes les rumeurs prospèrent sur la composition du gouvernement. Sera-t-il piloté par Marisol Touraine ? Par Audrey Azoulay ? Ou par Catherine Vautrin?
Le nom de cette grande élue de droite, une des opposantes notoires au mariage pour tous, a envahi les réseaux sociaux depuis vendredi. «Le président lui a proposé Matignon et elle aurait accepté», croit savoir un proche du chef de l’État, cité par le Parisien. Tout est dans le «croit savoir». Pour ce qui est de savoir, c’est une autre paire de manche.
Le message est donc passé au sein de la macronie : l’heure est à la temporisation. «Il ne faut pas se précipiter. Chaque chose en son temps. Le nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron commence aujourd’hui», a donc doctement expliqué ce samedi sur France Info Yaël Braun-Pivet, députée LREM des Yvelines et ancienne présidente de la puissante commission des Lois à l’Assemblée.
Stoïque, Jean Castex reste en place et... à Paris ce week-end : il a dû annuler son déplacement au Vatican pour la canonisation de l’explorateur français Charles de Foucauld. Les deux têtes de l’exécutif n’ont pas le droit de quitter le territoire national et Emmanuel Macron doit filer aux Emirats arabes unis, pour les obsèques de leur président, cheikh Khalifa ben Zayed al-Nahyane, décédé vendredi.
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Pendant que l’Etat fonctionne au ralenti, les conseillers et les administrations bossant sur les «dossiers ministres», ces annuaires qui détaillent tous les projets en cours au cas où il faudrait changer de locataire sous peu, Jean Castex savoure.
Jeudi soir, il a dîné dans les jardins de Matignon avec l’ensemble du gouvernement, l’occasion d’un petit speech sous les applaudissements de ses ministres. «Certains ici espèrent continuer alors que leurs conjoints non. Du coup, je suis rassuré car à la fin il y aura toujours quelqu’un de content», a-t-il glissé, relançant les conjectures sur les candidats au gouvernement.
«On ne gère pas un club de vacances»
Samedi, il a livré quelques confidences sur ses deux ans à Matignon, «une ruche qui fonctionne parfaitement», à France Télévision. Inconnu du grand public avant d’être bombardé grand chambellan du déconfinement après la première vague de Covid-19, Jean Castex a remplacé Edouard Philippe en juillet 2020. Il parle de son «immense fierté» et assure qu’il ne s’est jamais «senti enferisé» à Matignon, brodant sur la formule de Michel Rocard qui avait évoqué un «enfer gestionnaire» au bout de ses trois ans à la tête d’un gouvernement d’ouverture souhaité par François Mitterrand.
«On ne gère pas un club de vacances mais les affaires de l’Etat. Il faut donc que ça marche», a raconté Jean Castex au service politique de France Télévision. A l’heure du départ, il explique avoir «le sentiment d’avoir eu avec Emmanuel Macron une relation de respect mutuel et d’écoute».
Il dément surtout toute velléité de rester au gouvernement, une rumeur de plus qui rebondit de Twitter vers les journalistes politiques depuis trois semaines et la victoire d’Emmanuel Macron face à Marine Le Pen. «Les élections marquent un nouveau moment politique, qui nécessite un nouveau souffle», explique-t-il, pour tordre le cou à ceux qui le voyaient à la Justice ou à l’Education.
«Je quitterai le champ politique national. Je sais d’où je viens et je sais où je vais revenir», assure-t-il. En l’occurrence Prades, la ville des Pyrénées-Orientales dont il est le maire et où il prévoit de prendre trois semaines de vacances.