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Libération
Petit nouveau

Avec sa «Refondation républicaine», Chevènement s’agrippe à la macronie

A 83 ans, le «souverainiste de gauche» a lancé mercredi son nouveau mouvement et s’inscrit désormais officiellement dans la majorité présidentielle, avec en ligne de mire une dizaine de candidatures aux législatives.
Jean-Pierre Chevènement avec Emmanuel Macron et Barbara Pompili, le 10 février à Belfort. (Jacques Witt/ABACA)
par Anthony Derestiat
publié le 27 avril 2022 à 16h56

L’ancien monde se mêle au nouveau. Jean-Pierre Chevènement, ex-ministre de la Recherche, de l’Education nationale et de la Défense sous François Mitterrand puis à l’Intérieur dans le gouvernement de Lionel Jospin, a lancé mercredi un nouveau mouvement : «Refondation républicaine». Il en sera le président d’honneur. Il s’agit du troisième parti que ce membre fondateur du Parti socialiste d’Epinay en 1971 crée après le Mouvement des citoyens (MDC) et le Mouvement républicain et citoyen (MRC), chapelle souverainiste qu’il a quittée en 2015 après une tentative de rapprochement avec Nicolas Dupont-Aignan.

Ce mercredi, Chevènement accueille la presse dans l’auditorium de l’Académie d’agriculture de France, dans le VIIe arrondissement de Paris. L’ancien du Ceres (courant du PS marqué à gauche dans les années 70-80) y présente «un mouvement qui veut s’inscrire dans l’histoire». Rien que ça. «Nous sommes dans un paysage politique dégagé, la brume se dissipe», explique le vieux routier de la politique, en référence aux trois blocs qui ont émergé dans cette élection présidentielle. Celui de la gauche se reconstruira sans lui : «Elle a délaissé ses grilles de lectures traditionnelles pour inventer… rien du tout !» dénonce-t-il. L’idée est plutôt de réunir des «républicains des deux rives. Au-dessus de la droite et de la gauche, il y a la République».

«Laïcité», «refus du wokisme, de l’indigénisme et de l’islamisme radical», embraye Jean-Yves Autexier, vieux compagnon de route de Chevènement et qui sera président exécutif de ce nouveau micro-mouvement qui revendique 150 membres. «Refondation républicaine défend le cœur du programme du président réélu», annonce cet ex-député de Paris. En admettant bien sûr que le «cœur du programme» d’Emmanuel Macron soit «l’indépendance, la transition écologique et énergétique ou le nucléaire».

Macron informé mais pas consulté

Présent lors du grand meeting présidentiel d’Emmanuel Macron à la Défense Arena le 4 avril, Chevènement assure avoir informé le chef de l’Etat de sa démarche personnelle, suite logique, selon lui, de son soutien apporté au président-candidat dès le premier tour, contrairement à 2017. «Nous avons de bonnes relations, insiste celui qui était au premier rang du discours du chef de l’Etat devant les salariés d’Alstom, début février à Belfort. Je lui ai dit qu’une fois que je lui avais apporté mon soutien, ce n’était pas un blanc-seing. Je viendrai avec mes idées, il considère que c’est une plus-value.»

Le souveraino-macronisme de Refondation républicaine s’arrime de fait à la «maison commune» de la future majorité, en compagnie d’autres formations énumérées avec entrain par Chevènement : «La République en marche, le Modem de François Bayrou, Agir, et bien sûr le nouveau parti du sympathique ancien Premier ministre Edouard Philippe : Héritages !» Dans un éclat de rire général, le parterre d’une quarantaine de journalistes lui fait remarquer que le parti en question s’appelle Horizons.

Une dizaine de candidats aux législatives

Peu importe. Trois jours après le second tour de la présidentielle, Refondation républicaine vise l’investiture d’une dizaine de candidats aux législatives des 12 et 19 juin. «Nous n’avons pas l’intention d’exercer quelque hégémonie que ce soit», revendique (sans plaisanter) l’ancien maire de Belfort. «Nous sommes une équipe de transmission, d’anciens du PS partis au moment du traité de Maastricht, complète Autexier. Pour des vieux comme nous, c’est gratifiant de voir des jeunes prendre la relève de nos idées.»

Chevènement se dit confiant pour attirer d’autres adhérents : «Tous les jours, je reçois des demandes de renseignements de gens que je connais, et même de gens que je ne connais pas. Parmi eux il y a d’anciens ministres.» Mais la concurrence est rude entre les composantes de la majorité, surtout pour une figure politique âgée de 83 ans, qui n’a cessé de décliner depuis ses 5,33 % à l’élection présidentielle de 2002. A la sortie de l’Académie d’agriculture de France, une gravure sur le mur marque le niveau de la crue de la Seine du 28 janvier 1910. On voit mal ce nouveau courant monter aussi haut.