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Trois questions à

Baisse de la taxe sur les carburants : les automobilistes disent «bravo» à Hidalgo

Pour Pierre Chasseray, délégué général de 40 millions d’automobilistes, la maire de Paris a compris que l’imposition sur les carburants «est trop lourde» pour les 11 millions de Français contraints de se déplacer en voiture. Il demande une baisse minimum de 20 centimes par litre.
Anne Hidalgo, le 4 octobre. (Denis Allard/Libération)
publié le 6 octobre 2021 à 17h37

Une proposition choc pour raviver un début de campagne poussif et reprendre le pas sur Yannick Jadot, fraîchement désigné comme candidat EE-LV pour la présidentielle. A Libération, Anne Hidalgo, probable candidate du Parti socialiste, a fait une annonce qui en a surpris, en proposant de baisser les taxes sur les carburants. Ce qu’elle présente comme une mesure d’écologie sociale : «La transition écologique ne se fera pas contre ceux qui, aujourd’hui, ne parviennent plus à boucler leurs fins de mois, parce que les loyers, l’énergie et les carburants augmentent mais pas leurs salaires.» «La taxe carbone sur les carburants est un non-sens, poursuit-elle. Puisque la sortie du véhicule thermique est déjà programmée par les constructeurs eux-mêmes, il serait absurde de continuer à asseoir la fiscalité française sur des produits amenés à disparaître.»

Dans la majorité macroniste et, sans surprise, chez Europe Ecologie-les Verts, cette proposition a suscité une levée de boucliers. «Je note l’incohérence complète de la proposition d’Anne Hidalgo, qui à la fois veut accélérer la transition écologique et qui propose en gros de subventionner les énergies fossiles, a taclé, ce mercredi, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, au micro de RTL. Mais, on n’est pas à une incohérence près dans cette campagne.» Sandrine Rousseau, candidate malheureuse à l’investiture EE-LV, a de son côté estimé sur BFMTV que «la baisse du prix n’est pas la solution».

En revanche, cette promesse de baisser les taxes sur les carburants a évidemment ravi les aficionados de l’auto. Critiquée jusqu’alors par les associations pour son action dans la capitale consistant à limiter la place de la voiture au profit des mobilités douces et des piétons, Anne Hidalgo est cette fois félicitée sur Twitter par l’association 40 millions d’automobilistes pour sa «prise de conscience […] de la nécessité pour les Français de pouvoir continuer à utiliser leur voiture individuelle pour se déplacer au quotidien». Pierre Chasseray, délégué général de l’association, revient sur les déclarations de l’élue.

Que pensez-vous de la proposition d’Anne Hidalgo ?

En un mot «bravo». En football, ce serait contre-pied et frappe du gauche en pleine lucarne. Ça veut dire qu’elle a compris ce que la fiscalité française sur les carburants est trop lourde par rapport à beaucoup de nos voisins européens. Ce que j’ai aimé dans le discours d’Anne Hidalgo, c’est qu’elle dise que la voiture sera électrique dans le futur : dont acte. Je l’ai également enfin entendu parler – et j’en suis tombé de ma chaise – des 11 millions de Français qui ont des déplacements contraints en voiture.

N’est-ce pas contradictoire avec la politique qu’elle mène à Paris ?

Evidemment. Je ne vais pas lui dresser un blanc-seing. Paris, c’est la capitale, on n’est pas du tout d’accord avec la politique qui y est menée. Mais les taxes sur les carburants, c’est la France. C’est la première candidate à faire cette annonce en faveur des Français. Mais cette baisse des taxes serait de combien ? Si c’est de trois centimes, non merci.

Quelles propositions concrètes attendez-vous ?

J’attends une baisse extrêmement sensible de la fiscalité. On n’est pas dans le symbole, on est dans le pouvoir d’achat. Il faut retomber au niveau européen. Par rapport aux pays frontaliers, on est souvent 20 centimes au-dessus. Donc une baisse d’environ 20 centimes, ça me paraît être le minimum. Ceux qui bénéficieraient majoritairement de ça, ce n’est pas les habitants de la France des transports en commun. C’est la France des transports en voiture subis. C’est une mesure sociale parce que c’est une mesure qui va aider les Français, notamment ceux des zones rurales, qui font 30 bornes pour aller bosser, 30 bornes pour en revenir. C’est la France de ceux qui n’ont peut-être pas les moyens de rester là où ils vivent si on leur augmente le carburant à près de 2 euros le litre.

Attendez-vous d’autres mesures en faveur des automobilistes, notamment pour les aider à s’adapter à la transition écologique ?

J’en ai ras le bol de cette transition écologique, qui n’en est pas une. Ce qu’on nous vend actuellement, c’est une rupture. Une transition se fait dans la douceur. Je voudrais signaler le problème de l’élargissement des zones à faible émission [ces zones où les véhicules polluants seront interdits de circuler vont concerner, à partir de 2025, toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants, ndlr], qui vont interdire à la moitié des Français de circuler. Socialement, cette mesure n’est pas juste. Il faut donc l’aménager. On propose de rallonger tous les délais de mise en place des zones à faibles émissions de cinq ans. Et en attendant, une mécanique de dérogations massives (médicales, etc.), qui s’amenuiserait au fur et à mesure.

Mais la France n’accuse-t-elle déjà pas du retard dans la lutte contre la pollution notamment en ville ?

Ce n’est pas parce qu’on est en retard qu’il faut se précipiter. D’ailleurs, ce constat de retard, je ne le partage pas forcément. Et les Français ne sont pas prêts.