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Bétharram : après les annonces de Bayrou, les victimes saluent «un jour historique»

Affaire Notre-Dame de Bétharramdossier
Ce samedi 15 février, François Bayrou a rencontré à Pau neuf victimes de l’établissement Notre-Dame-de-Bétharram. Il a avancé plusieurs mesures qui pourraient marquer le début d’un nouveau chapitre dans cette affaire longue de 50 ans.
François Bayrou à la mairie de Pau avec des familles de victimes de Notre-Dame de Bétharram, ce samedi 15 février 2025. (Philippe Lopez/AFP)
publié le 15 février 2025 à 15h44
(mis à jour le 15 février 2025 à 21h10)

Le «règne du silence» qui entourait l’affaire Notre-Dame-de-Bétharram arrive à son terme. «C’est un jour historique», s’est ému Alain Esquerre, porte-parole des victimes, à la sortie la rencontre organisée à Pau entre François Bayrou et neuf victimes de l’institution catholique ce samedi 15 février, y voyant «une victoire». «Entendez comme ça fait mal à chacun d’entre nous de nous retrouver ici pour dénoncer l’omerta», a-t-il scandé avant d’inviter «tous ceux qui n’ont pas saisi la justice à le faire», un nombre «colossal» de victimes restant encore selon lui «tapi dans l’ombre».

De 11h45 à 15 heures, Alain Esquerre, ainsi que les huit autres victimes, ont témoigné des violences physiques et sexuelles subies durant leur scolarité dans l’établissement privé auprès du chef du gouvernement. Pascal Gélie et Olivier (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille), membres de la délégation, ont été très touchés par l’attitude du Premier ministre. «Il a écouté avec attention», raconte le premier à Libération. «Je voyais quelqu’un très profondément touché, très profondément investi», poursuit le second.

A sa sortie, François Bayrou s’est dit «bouleversé». Il a fait part de son soutien aux victimes avant d’annoncer «des décisions qui vont dans le sens de ce soutien». Dans la tourmente depuis les révélations de Mediapart, l’accusant d’avoir menti pour couvrir les violences physiques et sexuelles infligées aux élèves de l’établissement béarnais, le chef du gouvernement avait déjà échangé au téléphone mercredi avec Alain Esquerre. Celui-ci lui reprochait de «n’avoir pas eu un mot» pour les victimes depuis le début de l’affaire en 1996. Le porte-parole avait demandé d’«allouer davantage de moyens au parquet de Pau» pour cette affaire, et de faire des violences sexuelles «une priorité nationale».

Depuis, la liste des revendications s’est allongée et le Premier ministre semble avoir accédé à toutes ces demandes. Des inspections aléatoires dans les établissements privés avec des internats seront notamment organisées. Annonce essentielle et très attendue par les victimes. François Bayrou a affirmé qu’il allait demander au ministère de la Justice «des magistrats supplémentaires» pour «aller au bout» du travail d’enquête réalisé par le parquet de Pau. Souffrant d’un manque d’effectifs, le procureur et ses équipes doivent enquêter sur plus de 112 plaintes dans cette affaire tentaculaire qui couvrent des faits s’étalant entre les années 1970 et les années 2000. Ces deux nouveaux magistrats devraient permettre au parquet de statuer plus rapidement sur la prescription des plaintes et d’ouvrir une information judiciaire pour celles non prescrites. Maître Thierry Sagardoytho, avocat de la première victime ayant déposé plainte pour viol en 1998, le rappelle, «la justice ne pourra pas accueillir tout le monde et il y aura malheureusement des déçus».

Le début d’un nouveau chapitre

Conscient d’être dans ce cas, Olivier a interpellé le Premier ministre sur un autre problème. De nombreuses victimes abusées par des religieux pourraient être indemnisées via le dispositif de réparation mis en place par l’Eglise catholique, contrairement aux personnes ayant subi des violences de la part du personnel laïc, comme lui. «Il faut examiner les moyens d’élargir la responsabilité non seulement aux religieux, mais aux laïcs qui dépendent de ces institutions», a déclaré à la presse le Premier ministre, sans détailler de mesures spécifiques mais en proposant aux volontaires de rencontrer Jean-Marc Sauvé, qui a enquêté sur les violences sexuelles dans l’Eglise. «On va travailler ensemble», anticipe Pascal Gélie, qui espère que cette journée «marque le début d’un nouveau chapitre».

Amer, Eric (qui n’a pas souhaité donner son nom), ancien élève de l’établissement et victime, préfère garder une certaine distance. Gardant «l’intime conviction» que François Bayrou a menti devant l’Assemblée pour couvrir l’établissement, il a suivi la conférence de presse à la télévision et dit attendre que les annonces soient mises en pratique avant de se réjouir. Il craint qu’elles ne soient que «de simples promesses d’un politique».

«Si Bayrou n’était pas béarnais, pas maire de Pau et pas Premier ministre, on n’aurait jamais eu une telle couverture médiatique, résume Olivier. Ça nous ouvre des portes que jamais, nous n’aurions espéré voir ouvertes.» Pascal Gélie, lui, garde espoir : «Les ténèbres de Bétharram sont maintenant dans la lumière. Tous ceux qui sont coupables et encore vivants vont devoir rendre des comptes.»

Mise à jour : samedi soir avec les réactions de victimes.