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Libération
Basse tension

Budget 2025 : Michel Barnier cède sur l’électricité, Marine Le Pen pose un ultimatum «jusqu’à lundi» pour ses autres «lignes rouges»

Dans un entretien au «Figaro» jeudi 28 novembre, le Premier ministre annonce revenir sur une disposition du projet de loi de finances 2025 rejetée par une large majorité à l’Assemblée comme au Sénat. Dans «Le Monde», la cheffe des députés RN expose d’autres revendications et menace toujours de voter la censure.
Michel Barnier, le 25 novembre à l'APHP. (Dimitar Dilkoff/AFP)
publié le 28 novembre 2024 à 15h23
(mis à jour le 28 novembre 2024 à 20h17)

Un fléchissement pour éviter le renversement du gouvernement ? Michel Barnier a annoncé ce jeudi 28 novembre dans un entretien au Figaro qu’il n’augmenterait pas autant que prévu initialement les taxes sur l’électricité, par rapport au niveau prévu dans le projet de budget pour 2025. Largement rejetée sur tous les bancs de l’Assemblée comme du Sénat, la disposition était également dans le viseur du Rassemblement national, qui en a fait l’une des ses lignes rouges pour ne pas censurer le gouvernement.

«J’ai décidé de ne pas augmenter les taxes sur l’électricité dans le projet de loi de finances 2025», «cela permettra une baisse des prix de l’électricité de 14 %, qui ira donc bien au-delà de la baisse de 9 % prévue initialement», affirme le Premier ministre dans des extraits d’un entretien au quotidien. «Que ce soit dans ma majorité ou les chefs de l’opposition que j’ai reçus : presque tous m’ont demandé d’évoluer», justifie-t-il, alors que son gouvernement est exposé à une censure en cas d’usage du 49.3 pour faire adopter le budget. Le matin même, son ministre de l’Economie Antoine Armand s’était dit prêt à «des concessions» pour éviter une «tempête» à la France.

Dans la foulée, Michel Barnier a confirmé que les allègements de cotisation des entreprises ne seraient pas réduits jusqu’à 2,25 smic dans le budget 2025 de la Sécurité sociale. Le résultat du vote des parlementaires en commission mixte paritaire mercredi soir réduisant l’effort demandé aux entreprises en matière de cotisations sociales. Alors que le projet initial prévoyait de supprimer 4 milliards d’euros d’allègements de cotisation, ce montant a été réduit à 1,6 milliard. Il y a donc «un effort de 2,4 milliards d’euros finalement qui vont être rendus ou préservés pour les entreprises au titre des charges sociales, a calculé le Premier ministre. C’est l’accord qui a été passé avec les parlementaires et avec le Sénat.»

Des «lignes rouges demeurent» pour le RN

Malgré les concessions du Premier ministre sur l’électricité, l’Aide médicale d’Etat et les allègements de charges des entreprises, Marine Le Pen a assuré dans un entretien au Monde ce jeudi que Michel Barnier avait «jusqu’à lundi» pour répondre aux «lignes rouges» du Rassemblement national sur les textes budgétaires pour 2025 et éviter ainsi la censure. «Il y a encore des difficultés», a ajouté la cheffe des députés du RN. Parmi ses revendications encore non satisfaites à ses yeux : la revalorisation des pensions de tous les retraités au 1er janvier, l’annulation des déremboursements de médicaments prévus initialement, et des précisions sur la manière dont l’exécutif entend compenser financièrement les concessions annoncées jeudi.

Quelques heures plus tôt, Jordan Bardella avait lui-même estimé que le recul de Michel Barnier sur les taxes sur l’électricité constituait «une victoire» pour le son parti, mais avait ajouté : des «lignes rouges demeurent», notamment sur le déremboursement de médicaments. «Il faut un moratoire sur toute nouvelle création ou hausse d’impôt et de taxe», avait affirmé le président du RN sur X, plaidant également pour la réindexation des pensions «dès le 1er janvier» ou encore «un tour de vis migratoire». De l’autre côté de l’échiquier, la mesure est également bien reçue. «C’est plutôt une chose qui va dans le bon sens», a estimé sur LCP Arthur Delaporte, qui déplore toutefois que Michel Barnier l’ait adoptée parce qu’il «cherche à courber l’échine devant Marine Le Pen».

3,4 milliards à retrouver

Ce qui était «prévu initialement» pour les factures de février 2025 était en réalité une baisse des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE) de 10 % à 15 %. C’était en tout cas la promesse formulée par Bruno Le Maire et le gouvernement précédent en juin 2024. Mais Michel Barnier, revenant sur cette mesure pour équilibrer son prochain budget, avait vu dans cette révision des tarifs de février 2025 une source de recettes supplémentaires qui ne serait pas traduite par une hausse des prix pour le consommateur mais… une baisse moindre que prévue. Le Premier ministre avait donc inscrit dans le projet de loi de finances 2025 un article 7 qui «adapte les tarifs normaux d’accise en sortie de bouclier tarifaire afin de garantir au consommateur une baisse de 9 % du tarif réglementé de vente en 2025 à partir du 1er février», renvoyant à fin décembre 2024 le calcul exact du montant de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE).

Lorsque l’Etat a mis en place le bouclier tarifaire en 2022, il a fait bouger le curseur de cette taxe. De 32,44 euros par MWh, elle est passée à 1 euro pour les particuliers le 1er février 2022. Elle a progressivement été réajustée, à mesure que les prix du marché se calmaient. De 1 à 21 euros à partir du 1er février 2024, puis 22,50 euros quelques mois après. Cette dernière devrait remonter finalement à 29,98€/MWh, inflation comprise, a précisé jeudi soir Matignon,. C’est moins que les quelque 34 euros prévus dans le projet de budget initial. A sa création en 2004, elle n’était que de de 4,50 euros.

Alors que Bercy étudiait la possibilité de l’augmenter jusqu’à 50 euros par MWh, l’affaire avait hérissé les bancs de l’Assemblée comme du Sénat. Des amendements de suppression de l’article 7 avaient été votés par le NFP et le RN à l’Assemblée le 25 octobre puis la disposition a également été rejetée par le Sénat. Avant même que la commission mixte paritaire se réunisse, Michel Barnier enterre donc définitivement sa hausse de la TICFE. Il va donc falloir trouver ailleurs les 3,4 milliards de recettes que cet article 7 prévoyait de générer.

Mise à jour à 19 h 20 avec les précisions de Matignon sur le nouveau niveau de la taxe ; 20 h 10, avec la réaction de Marine Le Pen