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«Parlementarisme rationnalisé»

Budget 2026 : après trois jours de travaux, pourquoi les députés vont-ils repartir de zéro ?

Largement amendé en commission des Finances, le projet de budget pour 2026 arrivera vendredi 24 octobre dans l’hémicycle dans sa version initiale. Explications.

A la commission des finances de l'économie générale et du contrôle budgétaire de l'Assemblée nationale, au jour de l'ouverture de l'examen du projet de loi de finances 2026, le 20 octobre à Paris. (Denis Allard/Libération)
ParDominique Albertini
Chef de service - Politique
Publié le 22/10/2025 à 12h18

Ils ont rejeté la taxe Zucman, adouci le gel du barème de l’impôt sur le revenu pour protéger les ménages modestes, maintenu l’abattement fiscal de 10% pour les pensions, réformé le crédit impôt recherche… et ce vendredi 24 octobre, ils vont devoir tout recommencer. Depuis lundi, les députés membres de la commission des finances de l’Assemblée examinent et amendent le projet de budget de l’Etat pour 2026. Ces spécialistes des comptes publics ont apporté de nombreuses modifications au texte, certaines avec un impact significatif sur son équilibre financier. Mais lorsque le projet sera examiné dans l’hémicycle par l’ensemble des députés, ceux-ci repartiront de la version initialement proposée par le gouvernement, sans les amendements votés en commission. Pour figurer dans le texte final (si celui-ci est bien adopté), il faudra que ces amendements soient à nouveau présentés et votés en séance.

La méthode, qui peut surprendre, est une exception propre à un petit nombre de sujets. Elle découle de l’article 42 de la Constitution, selon lequel «la discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission», sauf en trois matières : les révisions constitutionnelles et les projets de budget de l’Etat et de la Sécurité sociale. Jusqu’en 2008, et une réforme constitutionnelle voulue par Nicolas Sarkozy, c’était même l’ensemble des textes qui repartaient de zéro dans l’hémicycle.

«Une chose trop sérieuse pour être laissée aux députés»

La raison : «le parlementarisme rationnalisé», résume l’ancien député LR Gilles Carrez, président de la commission des finances de 2012 à 2017. Cet euphémisme désigne, dans les institutions de la Ve République, les règles encadrant l’activité parlementaire, et garantissant la prééminence de l’exécutif. En l’espèce, «c’est l’idée que le budget est une chose trop sérieuse pour être laissée aux députés, qui ne pensent qu’à baisser les impôts et augmenter les dépenses», sourit Carrez. Tout doit donc repasser par le débat en séance, en présence cette fois du gouvernement, qui peut exprimer son avis favorable ou défavorable sur les amendements proposés.

A quoi bon, alors, ce travail préalable en commission ? Il est utile comme banc d’essai, expliquent les députés concernés, en permettant de constater quels amendements «passent» ou pas, et avec quelles forces politiques les soutiennent. «C’est le tour de chauffe des spécialistes, qui dégrossissent le travail pour leurs collègues en séance, éclaire un collaborateur parlementaire. C’est aussi le crash test des amendements, sur la recevabilité comme sur le rapport de force».

De plus, explique Gilles Carrez, «un amendement adopté en commission, même s’il n’est pas soutenu par le gouvernement, peut pousser celui-ci à chercher un compromis, une mesure intermédiaire». Ce devrait être encore plus le cas cette année, avec un exécutif sans majorité, et qui a renoncé à utiliser l’article 49-3 de la Constitution.

Edité le 22/10/25 à 17h25 avec une correction sur l’abattement fiscal de 10% sur les pensions