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Libération
Coups durs

Budget de la sécu : première lecture et premiers revers pour le gouvernement

L’Assemblée nationale s’est lancée, depuis ce lundi 28 octobre, dans l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Les premiers articles du texte proposé par Michel Barnier ont été rejetés par les députés.
Michel Barnier à Matignon, mardi. (Geoffroy van der Hasselt/AFP)
publié le 29 octobre 2024 à 16h56

On aurait pu s’en douter. Dès son passage en commission des affaires sociales, le texte avait été rejeté à l’unanimité. Un vote sans réelle valeur puisque la procédure prévoit, s’agissant du budget de la Sécu, que ce soit le texte du gouvernement qui soit examiné dans l’hémicycle dans tous les cas. C’est donc le PLFSS proposé initialement par Michel Barnier qui a été présenté devant les députés lundi 28 octobre. Ces derniers lui ont réservé un accueil foudroyant en rejetant ses trois premiers articles.

Bien plus mobilisée au Palais Bourbon que le camp gouvernemental – et avec le soutien ou l’abstention du Rassemblement national – la gauche a n’a rien laissé passer. L’article liminaire prévoyait que les administrations de la Sécurité sociale engrangent davantage de recettes que de dépenses, il a été supprimé à une large majorité. L’article deux a connu le même sort, il rectifiait l’objectif de dépenses de l’assurance maladie avec une augmentation de 1,2 milliard d’euros.

Mais c’est surtout la rectification du déficit de la Sécu qui a fait des émules sur les bancs de l’Assemblée. Le «trou» a été revu à 18 milliards d’euros cette année au lieu des 10 milliards initialement prévus. Preuve d’une «insincérité budgétaire» pour le rapporteur LR, Yannick Neuder, qui a nommément mis en cause l’ancien ministre Aurélien Rousseau. Désormais député du groupe socialiste, l’intéressé a répliqué en dénonçant la «pente dangereuse» de «tous ceux qui s’appellent républicains ici, qu’ils le mettent dans le nom de leur parti ou qu’ils le prétendent». Son camarade Jérôme Guedj s’en est pris ensuite à un autre ex-ministre, Frédéric Valletoux, accusé d’avoir «rogné les dotations» des hôpitaux publics au profit des cliniques privées. De quoi faire bondir le député Horizons qui a dénoncé une «escroquerie intellectuelle» et des «propos mensongers». Autant de passes d’armes qui révèlent un regain de tension dans un hémicycle plus rempli que les derniers jours. Signe aussi de l’enjeu d’un budget à plus de 600 milliards d’euros.

Une bataille qui ne fait que commencer

Les débats de la nuit dernière ont aussi mis en lumière deux sujets qui risquent de cristalliser davantage les tensions alors que l’examen dans l’hémicycle va se tenir jusqu’à demain avant de reprendre le 4 novembre. Les exonérations de cotisations patronales, que le gouvernement veut réviser pour récupérer au passage 4 milliards d’euros, vont avoir du mal à passer à droite. Les propres troupes du gouvernement- LR et macronistes – s’y opposent, de même que le RN. Pour éviter un désaveu sur cette mesure, qui devrait faire l’objet d’un vote dans l’hémicycle, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, s’est dite «ouverte à des évolutions».

Même chose sur l’autre article clé, le très contesté gel des pensions de retraites, dont la revalorisation serait repoussée du 1er janvier au 1er juillet. Un coup de rabot également chiffré à 4 milliards, supprimé à la quasi-unanimité en commission et promis au même sort dans l’hémicycle. Le ministre du Budget Laurent Saint-Martin n’a pas exclu d’apporter quelques rectifications pour «mieux protéger les petites pensions» avec une «compensation» pour les retraites inférieures à un seuil qu’il a imaginé à 1 200 euros. Mais «j’attends aussi des propositions d’économies», a-t-il prévenu, le gouvernement abattant dimanche soir une carte potentiellement explosive : passer d’un à trois jours de carence et moins bien rémunérer les arrêts maladie des fonctionnaires, pour récupérer un peu plus d’un milliard d’euros. Proposition clivante, à laquelle le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, s’était déclaré favorable afin de «financer des mesures en faveur du pouvoir d’achat». A l’inverse, le coordinateur de LFI Manuel Bompard a dénoncé une «manière scandaleuse d’essayer de faire des économies».

Un 49.3 pour s’épargner un texte réécrit ?

Les premiers échanges dans l’hémicycle confirment que la partie sera serrée, d’autant plus que 2 000 amendements sont encore à examiner d’ici au vote programmé le 5 novembre. Improbable au regard de la vingtaine d’heures restantes en séance publique, quand il en a fallu trente-cinq au total à la commission pour achever ses travaux. Quand bien même les députés viendraient à bout de ce PLFSS, la copie gouvernementale risque d’être largement réécrite. Ce qui ne serait pas pour déplaire aux syndicats, qui ont appelé lundi à «remanier profondément» le texte dans un courrier aux députés.

Au point de pousser l’exécutif à abréger le calvaire ? «On ne cède pas à la facilité du 49.3», s’était défendue la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, samedi dans les colonnes du Parisien. Toutes les options restent donc ouvertes, y compris un renvoi du projet de loi initial au Sénat si les députés rejettent le texte ou n’ont pas pu arriver au vote comme prévu le 5 novembre. En parallèle, l’Assemblée a attaqué en commission des Finances l’examen de la partie «dépenses» du budget de l’État, avec quelques morceaux de choix dès cette semaine comme l’Éducation, l’Écologie ou la Justice.