Après le rejet massif en commission, les débats sur la première partie du budget ont commencé dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale vendredi après-midi et se poursuivent ce samedi 25 octobre. Dans un discours d’ouverture quasi-inédit pour un Premier ministre, Sébastien Lecornu, de nouveau sous la menace de censure des socialistes, a ouvert la discussion budgétaire en appelant l’hémicycle au «compromis» et à un «changement de culture parlementaire». Le parti à la rose réclame, avec le reste de la gauche, que les plus riches contribuent davantage à l’effort de réduction du déficit.
Libé fait le point sur les mesures qui ont été adoptées, rejetées, ou qui restent à discuter dans le cadre de ce débat sur la partie recette du projet de loi de finance 2026.
Le crédit d’impôt sur les services à la personne réduit
Près de deux heures de débats et un coup de rabot. L’Assemblée a adopté un amendement de la députée PS Christine Pirès Beaune qui réduit de 12 000 à 10 000 euros le plafond du crédit d’impôt des services à la personne (Cisap). Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, a émis un «avis de sagesse» sur ce texte.
Les députés écartent le gel du barème de l’impôt sur le revenu
C’est une des mesures les plus polémiques présentées par le gouvernement dans son projet de loi de finances. Elle prévoit de ne plus revaloriser les tranches du barème de l’impôt sur le revenu (IR) en fonction de l’inflation. A la clé, une hausse générale de l’IR, et 200 000 nouveaux contribuables qui rentrent dans l’impôt. Mais aussi 2 milliards de recettes supplémentaires pour les caisses de l’Etat.
L’Assemblée nationale l’a finalement massivement rejeté ce samedi après-midi. Une large coalition de députés réunissant l’extrême droite, la droite, une partie des macronistes et les Insoumis, a approuvé un amendement de Laurent Wauquiez, le patron des députés LR, rejetant globalement ce gel, contre l’avis de la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin. Un vote qui a ravivé les tensions entre le PS et LFI : «La France Insoumise vote avec la droite pour soulager les hauts revenus», balance le député socialiste Philippe Brun sur X. «L’amendement de Laurent Wauquiez a été adopté… par la France Insoumise unanime», a renchéri Olivier Faure, le patron du PS. «N’importe quoi, il s’agissait d’un amendement identique à celui déposé par la France Insoumise visant à indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation. Il ne faut pas mentir, ça n’effacera pas vos deals secrets avec les macronistes», a rétorqué Manuel Bompard, le coordinateur de LFI.
Dans l’hémicycle, les élus sont ainsi allés beaucoup plus loin que la commission des finances lors de l’examen de ce texte le 20 octobre dernier. A l’époque, seule la première tranche de l’impôt sur le revenu avait été exclue du dispositif.
La droite et le centre votent la défiscalisation totale des heures supplémentaires
Les députés du centre, de droite et d’extrême droite ont adopté ce samedi matin un amendement porté par Les Républicains qui vise à défiscaliser totalement les heures supplémentaires. Le texte porté par Laurent Wauquiez et Fabien Di Filippo vient en effet supprimer le plafond annuel actuellement en vigueur de 7 500 euros. Le gouvernement s’était prononcé contre, mettant en avant un coût direct de 1 milliard d’euros pour les finances publiques. La gauche a voté contre.
La défiscalisation des pensions alimentaires adoptée
C’est une demande de longue date des associations de familles monoparentales. Adopté ce samedi matin contre l’avis du gouvernement par une large coalition de députés de gauche, du Rassemblement national, et une partie des macronistes, un amendement issu des bancs écologistes prévoit désormais d’exonérer d’impôt les pensions alimentaires reçues pour l’entretien d’un enfant mineur, dans la limite de 4 000 euros par enfant et de 12 000 euros par an. En contrepartie, le parent qui verse la pension – dans 97 % des cas le père, selon le Haut Conseil de la famille – ne pourra plus la déduire de son revenu imposable. Selon l’exposé des motifs de l’amendement, la mesure «pourrait contribuer à réduire le déficit public d’environ 450 millions d’euros par an».
Comme le rapportait Libération en début de semaine, cette défiscalisation vise à rétablir une équité fiscale entre les parents séparés. Actuellement, celui chargé de verser la pension alimentaire bénéficie d’un avantage fiscal : la somme versée est déductible de ses impôts. A contrario, le parent ayant la garde de l’enfant après la séparation – la mère dans la majorité du temps – doit ajouter les pensions alimentaires à son revenu imposable.
La défiscalisation de la pension alimentaire pour le parent qui la reçoit est adoptée par les députés. #DirectAN #Budget2026 #PLF2026 pic.twitter.com/52bk6b2Aov
— LCP (@LCP) October 25, 2025
La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus prolongée
Dans un hémicycle électrique, les députés ont ouvert le bal, en trouvant un premier terrain d’entente vendredi soir : ils ont voté très largement la prolongation de la contribution différentielle sur les plus hauts revenus (CDHR).
Instaurée en 2025, cette mesure fixe un taux minimal d’imposition de 20 % pour les ménages dont les revenus dépassent 250 000 euros par an. Elle devrait rapporter 1,5 milliard d’euros en 2026, selon les chiffres avancés par le gouvernement.
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Le projet du gouvernement prévoyait initialement de maintenir ce dispositif pour la seule année 2026. La gauche souhaitait quant à elle le pérenniser et la renforcer.
Mais l’Assemblée nationale a opté pour le compromis proposé par le député MoDem Jean-Paul Matteï, à savoir de conserver cette taxe jusqu’à ce que le déficit annuel soit ramené à moins de 3 % du produit intérieur brut (PIB), ce que la France n’a atteint que deux fois ces quinze dernières années (2018 et 2019).
«Sur le sujet des très hauts patrimoines et des hauts revenus, nous avons compris qu’il y avait une attente de nos concitoyens et là-dessus nous bougeons», a déclaré le député Charles Sitzenstuhl (Renaissance), qui s’est «résolu» à voter la mesure malgré son opposition initiale.
Un impôt universel contre les paradis fiscaux échoue de peu
Mais l’unité a montré des signes de fébrilité vendredi soir : les députés socialistes et une partie des écologistes, en s’abstenant lors du vote d’un amendement LFI visant à instaurer un impôt universel pour lutter contre les paradis fiscaux, ont empêché son adoption… à une voix près.
🔴🏛️ Impôt universel ciblé : l'amendement d'@ericcoquerel (LFI) est rejeté (131 pour, 132 contre).#DirectAN #Budget2026 #PLF2026 pic.twitter.com/ITXyYwBS9M
— LCP (@LCP) October 24, 2025
Le groupe socialiste n’avait déjà pas voté cette mesure l’an dernier, a justifié auprès de l’AFP le député Philippe Brun, estimant qu’elle serait en réalité «inopérante» car ne concernerait que les pays africains.
«Tout ça n’est qu’un décor de cinéma, la question c’est ce qu’il se passe dans les salles obscures», a lancé le coordinateur de la France insoumise Manuel Bompard à l’issue de la séance, accusant le PS de collusion avec le gouvernement.
Et la suite…
Les mesures ciblant la fortune devraient être examinées à partir de samedi, avec au programme une myriade de propositions. La création d’une allocation sociale unique - une demande de la droite à Sébastien Lecornu - devrait aussi être mise sur la table. En l’état actuel, il est peu probable que la désormais célèbre taxe Zucman, que la gauche entend défendre d’une seule voix, soit débattue avant lundi, a indiqué la présidence de la commission des finances.
Bien d’autres points chauds attendent les députés dans cette première partie du budget, consacrée aux recettes. Les débats sont programmés jusqu’au lundi 3 novembre, avant un vote solennel le mardi 4 sur cette partie. L’ensemble de la discussion budgétaire mènera le Parlement jusqu’à la mi-décembre, au moins.
Article mis à jour à 16 h 40 avec l’ajout le rejet du gel du barème de l’impôt sur le revenu.