Nouveau revers budgétaire pour le gouvernement. L’Assemblée a rejeté dans la nuit de mardi à mercredi le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) de cette année.
Ce projet de loi, qui permet d’ordinaire d’ajuster à la marge les comptes de l’année en cours, revêt une importance particulière cette année marquée par un dérapage historique des comptes publics lié principalement à des recettes bien moindres qu’escompté. Alors que le gouvernement Attal a refusé au printemps de travailler à un projet de loi de finances rectificative (PLFR), qui aurait pu comprendre de nouvelles mesures fiscales, et tandis que le gouvernement Barnier a aussi refusé un tel collectif à l’automne, le PLFG est le seul texte à être présenté au Parlement pour acter les économies décidées en cours d’année – les 10 milliards d’euros de crédits annulés en février ayant été pris par décret.
Réserve de précaution
Le gouvernement Barnier a trouvé à son arrivée des crédits gelés à hauteur de 16 milliards d’euros. Sur cette réserve de précaution, il a décidé d’en annuler 5,6 milliards d’euros dans le PLFG. «Les trois quarts de cette réserve n’ont pas été consommés cette année, le reste était des dépenses inéluctables», précise-t-on à Bercy. Au total, entre les dispositions du décret et celles de ce PLFG, ce sont 6 milliards d’euros d’économies qui ont été réalisées par rapport à ce qui était inscrit dans la dernière loi de finances. Sans ces mesures, le déficit aurait été de 6,3 % du PIB et non de 6,1 %.
Ce déficit est bien plus creusé que les 4,4 % prévus dans la loi de finances initiales pour 2024. Le projet de loi ouvre aussi des crédits pour un montant de 4,2 milliards d’euros, permettant d’assurer des dépenses imprévues comme le coût des législatives anticipées de cet été, des crédits pour la Nouvelle-Calédonie, ou les primes pour les forces de l’ordre mobilisées pendant les Jeux olympiques.
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A la tribune, le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, a défendu un «texte nécessaire pour freiner au maximum que possible la dépense de l’Etat» et «pour ouvrir les nouveaux crédits pour financer des dépenses d’urgence». De son côté, la gauche a pilonné les choix budgétaires du gouvernement. «Le problème, ce ne sont pas les dépenses, ce sont bien les recettes, a fustigé Aurélien Le Coq (LFI). Pourquoi a-t-on un problème de recettes ? Parce que vous avez vidé les caisses. Vous voulez faire payer aux Français l’argent que vous avez versé aux entreprises. […] Vous êtes en train de prendre aux plus pauvres pour donner aux plus riches.»
«Le gouvernement nous demande quitus de sa mauvaise gestion»
Dans l’hémicycle, les troupes du Nouveau Front populaire ont critiqué l’annulation des crédits. Le député socialiste Philippe Brun a dénoncé des «coupes» budgétaires dans la politique agricole commune (PAC), d’un montant d’1,8 milliard d’euros, dans la défense (800 millions) ou l’enseignement (478 millions). «Le gouvernement nous demande quitus de sa mauvaise gestion», a dénoncé l’élu de l’Eure. Le rapporteur général du budget, le centriste Charles de Courson, a lui aussi dénoncé une «mauvaise gestion budgétaire» du gouvernement.
Plus tôt dans la journée, les députés avaient écarté une motion de rejet préalable, défendue par Aurélien Le Coq. Par 233 voix contre, et 155 pour, les députés ont opté pour poursuivre l’examen du texte dans la soirée. A la tribune et dans l’hémicycle, deux versions s’affrontaient entre la nature du texte, technique ou politique. «Ce n’est pas un texte technique, c’est un texte sur la bonne gestion», a pointé Emmanuel Maurel, député (Gauche démocrate et républicaine) du Val-d’Oise. Sa collègue Christine Arrighi a critiqué de son côté le refus du gouvernement de «soumettre» aux députés un «PLFR, donc la possibilité de recettes supplémentaires. Donc ce texte n’est pas comptable, technique, c’est un texte politique», a souligné l’élue de Haute-Garonne. Un constat partagé par le président (LFI) de la commission des finances, Eric Coquerel : «Cette loi n’est pas que la mission d’un état de fait qui s’imposerait à nous. C’est un choix.»
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Les députés du «socle commun» soutenant le gouvernement ont soutenu de leur côté le texte. «Nous devons en fin d’année faire des ajustements de crédits», a plaidé Véronique Louwagie (Droite républicaine, ex-Les Républicains).
Rejeté à l’Assemblée, le texte part désormais au Sénat, dans sa version initiale, celle du gouvernement. Faute d’accord avec les deux chambres, une commission mixte paritaire (CMP), réunissant sept députés et sept sénateurs, sera ensuite convoquée. Le texte sera ensuite soumis au vote de l’Assemblée et du Sénat. Privé de majorité absolue au Palais Bourbon, le gouvernement de Michel Barnier pourrait alors recourir à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.