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Libération
Passage en force

Budget : le conseil des ministres donne au Premier ministre la «faculté d’utiliser le 49.3»

Le recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter le projet de loi de finances 2025 à l’Assemblée nationale a été autorisé en conseil des ministres, mercredi 23 octobre.
Maud Bregeon, la porte-parole du gouvernement, le 15 octobre 2024 à Paris. (Julien de Rosa/AFP)
publié le 23 octobre 2024 à 8h20
(mis à jour le 23 octobre 2024 à 15h59)

Un signe de fébrilité ou une menace brandie contre les récalcitrants, après la première défaite gouvernementale mardi 22 octobre au soir dans l’hémicycle de l’Assemblée. «La faculté a été donnée au Premier ministre, à titre provisoire, d’utiliser le 49.3» dans le cadre de l’examen des projets de budget de l’Etat et de la Sécurité sociale pour 2025. «Mais l’objectif du Premier ministre Michel Barnier n’a pas changé, c’est celui de laisser toute sa place au débat et de le faire dans le respect du Parlement, a-t-elle assuré. L’objectif du gouvernement n’est pas d’utiliser le 49.3.»


Avant la confirmation de cette autorisation, délivrée en conseil des ministres, la porte-parole avait ouvert la porte à l’utilisation du 49.3, c’est-à-dire une adoption sans vote, lors de son passage sur France 2, plus tôt dans la journée. «Ce n’est pas la volonté du Premier ministre, et on laissera les débats se tenir autant que nécessaire» à l’Assemblée nationale, avait-elle déjà précisé, laissant entendre que l’article constitutionnel pourrait être utilisé pour préserver les objectifs du gouvernement. «La limite, c’est le cadre qui a été fixé par le Premier ministre du discours de politique générale, avec 60 milliards d’euros d’économies à réaliser», avait-elle déclaré.

La coalition gouvernementale fragilisée

Mardi soir, la coalition gouvernementale s’est retrouvée en difficulté à l’Assemblée nationale. La surtaxe temporaire sur les hauts revenus, censée rapporter deux milliards d’euros en 2025, a été pérennisée par l’Assemblée nationale grâce au vote des députés du Modem, membres du «socle commun» soutenant Michel Barnier, contre l’avis du gouvernement. «Un socle commun, qui n’a rien de commun, qui est tout fissuré», a commenté le président insoumis de la commission des finances de l’Assemblée nationale Eric Coquerel sur Public Sénat.

Maud Bregeon estime, elle, que le gouvernement doit «protéger les Français de l’obsession fiscale du Nouveau Front populaire». Taxer, «ce n’est pas un projet, c’est une impasse», a martelé la ministre. La coalition Barnier a montré de multiples signes de fragilité et de divisions. Ainsi elle n’a pas réussi mardi à faire élire la candidate Les Républicains (LR) Véronique Duby-Muller à une vice-présidente de l’Assemblée, et laissé filer ce poste à l’écologiste Jérémie Iordanoff.

Dans un entretien dimanche au JDD, le chef du gouvernement – dont la méthode faite d’«écoute» et de «respect» est régulièrement mise en avant – soulignait d’abord son souhait de laisser vivre la discussion parlementaire : «Ces textes financiers constituent bien plus qu’une formalité administrative : ils représentent une base solide de discussion, un terrain sur chaque groupe parlementaire, chaque député peut apporter sa contribution.» Mais, quelques lignes plus tard, Michel Barnier insistait sur les raisons pour lesquelles «le 49.3 permet ainsi d’éviter un blocage» : «Retarder l’adoption du budget pourrait paralyser l’action publique, compromettre la gestion des finances de l’Etat et mettre en danger la crédibilité financière de la France.»

Un compromis mal engagé

L’examen en commission des finances, la semaine dernière, a laissé au gouvernement peu d’espoirs de trouver un compromis sur ses propositions de recettes. D’un côté, la hausse de la taxe sur la consommation finale sur l’électricité (avec la possibilité pour l’exécutif de l’augmenter au-delà de son niveau d’avant la crise énergétique) a été rejetée, tout comme le gel des ressources des collectivités locales et l’alourdissement du malus automobile. De l’autre, les députés ont largement remanié le texte. Ils ont accru la fiscalité sur les superprofits, les superdividendes, renforcé la taxe sur les rachats d’action, doublé la contribution exceptionnelle des grandes entreprises de transport maritime ou réduit le périmètre du crédit impôt recherche.

Résultat : le gouvernement a vu sa politique et nombre de ses propositions diluées. Profondément divisés, les députés ont fini par rejeter le texte, samedi, après l’avoir largement réécrit. Avec de telles péripéties en commission, difficile d’imaginer que les débats, qui se tiennent désormais dans l’hémicycle, conviennent davantage à Michel Barnier.

Mise à jour à 15h54 avec l’autorisation faite à Michel Barnier d’utiliser le 49.3.