Eric Coquerel avait prévenu. Si le nouveau Premier ministre ne transmettait pas lundi à la commission des Finances de l’Assemblée nationale - qu’il préside - les lettres plafonds préparées par le précédent gouvernement, il irait les chercher lui-même à Matignon ce mardi 17 septembre. Le député insoumis est arrivé à 12h30 rue de Varenne, accompagné du rapporteur général de la même commission, le député centriste Charles de Courson, pour un contrôle sur pièces et sur place. Ils avaient déjà cosigné un courrier mercredi à Michel Barnier pour redemander officiellement ces lettres. «Ce sont des documents nécessaires pour accomplir notre travail», a déclaré Eric Coquerel à la presse avant d’entrer dans l’hôtel de Matignon. «Il faut que les parlementaires puissent commencer à travailler sur le projet de loi de finances», a ajouté Charles de Courson.
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Moins d’une heure plus tard, les deux parlementaires sont ressortis les mains vides. Le chef de cabinet du Premier ministre et la secrétaire générale du gouvernement les ont reçus pour leur signifier leur refus de leur communiquer ces documents au motif qu’ils sont «préparatoire à la décision». «Ils ont considéré qu’en droit, ils n’avaient pas l’obligation de communiquer les lettres-plafond, ce que nous avons contesté formellement, car ce ne sont plus des documents préparatoires, a expliqué Charles de Courson On se bat pour faire respecter les droits du Parlement sinon comment nos collègues vont-ils pouvoir travailler ?». Eric Coquerel a dénoncé «un problème démocratique» : «Nous nous demandons pourquoi M. Barnier s’enferre dans cette vision peu démocratique des choses». Il n’a n’a pas l’intention de lâcher. «Il a affaire à deux personnes tenaces», a-t-il ajouté en faisant part de son intention de se rendre à Bercy mercredi pour obtenir ces mêmes documents. Il compte aussi étudier la possibilité que les nombreux rapporteurs spéciaux de sa commission demandent chacune des lettres.
Ces lettres, qui fixent les crédits mission par mission pour chaque ministère, avaient été envoyées le 20 août par le Premier ministre d’alors, Gabriel Attal, qui les avait signées, en dépit de son statut de démissionnaire. Elles ne faisaient pas partie des centaines de pages qui avaient été livrées par Bercy aux commissions des Finances le 3 septembre, le gouvernement qui n’était plus censé gérer que les affaires courantes arguant alors qu’elles pourraient être modifiées par son successeur.
Baisses de crédits attendues au Travail et à l’Ecologie
Lundi, à 22 heures, Eric Coquerel a bien reçu une réponse écrite de Michel Barnier, avec lequel il s’était entretenu au téléphone ce week-end. Le nouveau Premier ministre lui promettait pour la fin de semaine un document construit «sur la base des lettres-plafonds arrêtées par le précédent gouvernement au cours du mois d’août». Ce qui n’a pas convaincu l’insoumis. «Le Premier ministre expliquant lui-même que le budget sera construit sur la base de ces lettres-plafonds, j’estime que sans plus attendre ma commission doit en prendre connaissance, annonçait Eric Coquerel dans un communiqué ce mardi matin. Je considère donc que mon devoir n’est pas d’attendre une semaine de plus pour obtenir un document sur la base de travail du budget envoyé dans les ministères depuis près d’un mois.»
Le contenu de plusieurs d’entre elles a déjà fuité, notamment celles adressées au ministère du Travail et à celui de la Transition écologique qui voient leurs crédits baisser. La préparation de cette étape du processus budgétaire a largement été perturbée par la dissolution, aucune discussion n’ayant eu lieu en début d’été, comme c’est l’usage entre Bercy, Matignon et chaque ministre. Le montant total des dépenses du projet de loi de finances (PLF) 2025 préparé cet été a été maintenu à l’identique par rapport à l’an dernier, soit 492 milliards d’euros. Ce budget dit «zéro valeur» ne tient donc pas compte du montant de l’inflation, ce qui annonce mécaniquement des économies de 10 à 15 milliards d’euros.
Dix jours de retard pour l’examen du budget ? «On fera avec»
C’est un nouvel épisode, et certainement pas le dernier, d’un examen du budget qui s’annonce de plus en plus chaotique dans une nouvelle Assemblée fragmentée. La première obligation fixée par loi, la publication des tirés à part le 15 juillet au plus tard n’avait déjà pas été respectée en juillet. C’est désormais une autre date que le nouveau gouvernement veut décaler : celle du dépôt du PLF, qui doit avoir lieu le 1er octobre au plus tard. Michel Barnier veut la retarder au 9 octobre, après sa déclaration de politique générale. Jérôme Fournel, le directeur de cabinet de Michel Barnier, qui occupait jusqu’ici la même fonction auprès de Bruno Le Maire à Bercy, a contacté vendredi les présidents et rapporteurs des commissions des finances pour sonder leur réaction si ce report était acté. «On fera avec. Si c’est 10 jours, ça peut nous permettre de tenir les délais», explique le rapporteur au Sénat, le LR Jean-François Husson. A l’Assemblée, les députés n’affichent pas la même mansuétude. «Huit jours de décalage, c’est inédit sous la Vème République, cela commence très mal», a jugé Eric Coquerel. Charles de Courson et lui redemandent au Premier ministre de respecter la date du 1er octobre.
Mise à jour : à 13 heures après l’arrivée des deux parlementaires à Matignon et à 14h après leur sortie.