Plus député depuis maintenant trois ans, Jean-Luc Mélenchon n’en suit pas moins les débats sur le budget 2026 avec attention. Et c’est peu dire qu’à distance, le fondateur de La France insoumise (LFI) fulmine. «Aujourd’hui, nous arrivons à une caricature de la politique de l’offre soutenue par tous les libéraux, de Faure à Attal. Elle se limite à un exercice comptable», dénonce-t-il dans une longue interview publiée ce dimanche 2 novembre dans Mediapart. Pour lui, il y a trois blocs qui souhaitent tous des économies : le centre qui en veut pour 40 milliards d’euros, le Rassemblement national pour 60 milliards et «les sociaux-démocrates du PS» pour 20 milliards. «Les trois sont sur une ligne comptable : des coupes pour seul projet. […] La France est victime d’une méthode absurde : la financiarisation de la dette des Etats et des agences de notation rendues juges des nations, analyse le triple candidat à l’élection présidentielle. Depuis, la peur de la dette fournit un argument d’affolement. Or, la dette n’est une catastrophe que si on aggrave la situation par des coupes budgétaires.»
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Prolixe devant nos confrères, Jean-Luc Mélenchon l’est particulièrement quand il s’agit de parler du Parti socialiste. Pour lui, ses alliés de 2022 et de 2024 ont «encore [permis] le sauvetage de Macron» en ayant refusé de voter la censure. Et ils tournent «au ridicule» en montrant leur «extrême amateurisme» dans la «négociation sur les sujets techniques les plus élémentaires» : «La taxe Zucman, la suspension de la réforme des retraites, le prétendu impôt sur la fortune, tout a tourné à la farce.» Seule une élection présidentielle anticipée, réclamée depuis des mois par les insoumis, permettra selon lui de «ramener la dignité du débat» et de refonder la «politique du pays».
Un débat qui a vu se jouer à l’Assemblée «une stratégie pour diviser notre peuple», continue le leader LFI, où la droite embrasse petit à petit toute la rhétorique de l’extrême droite. Le vote d’un texte proposé par le Rassemblement national le 30 octobre pour la première fois de l’histoire en est pour lui la preuve : «la droite traditionnelle est assujettie au RN» et à son «récit hégémonique dans le bloc bourgeois». Au passage, Jean-Luc Mélenchon reconnaît avoir eu «tort en partie» au sujet de l’exécution provisoire de la condamnation de Marine Le Pen à cinq ans d’inéligibilité pour détournement de fonds publics – mesure qu’il avait critiquée : «Il y a des cas où l’exécution provisoire est une nécessité absolue, quand un prévenu met les autres en danger.»
Une future crise d’ampleur qui partirait «de la Kanaky, de la Corse et des Caraïbes»
Toujours auprès du média en ligne, Jean-Luc Mélenchon apporte également un soutien inhabituel à un ancien Premier ministre socialiste (devenu entretemps député macroniste, conseiller municipal de Barcelone puis ministre – dans cet ordre) : Manuel Valls. L’ex-ministre des Outre-mer n’est certes «pas [sa] tasse de thé». Mais ce «rocardien» a montré qu’il «connaît le dossier» calédonien et a réussi à aller beaucoup plus loin que ces prédécesseurs, apprécie le patron des insoumis. Son «éjection» du gouvernement est un «gâchis», dit-il, et la preuve «que Macron va de nouveau passer en force». Alors que le Parlement a acté cette semaine le report des élections provinciales sur le Caillou, Jean-Luc Mélenchon imagine que les Kanaks vont à nouveau se soulever, comme en 2024, car les «conditions économiques, culturelles et sociales sont pires» qu’à l’époque.
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Pour lui, la France se rapproche d’ailleurs d’une «crise nationale» qui partirait «de la Kanaky, de la Corse et des Caraïbes». Cette crise serait causée par la «désinvolture active» d’Emmanuel Macron qui «met le feu à tous les endroits délicats» et qui serait accompagnée de crises sociales, sanitaires et économiques. «On a dit que j’étais l’ingénieur du chaos, juste parce que nous appliquons une stratégie qui se traduit par des victoires électorales et parlementaires. C’est Macron le chaos. Qui d’autre en Europe a refusé de reconnaître le résultat d’élections législatives ?», fait-il mine de s’interroger. Avancer d’asséner : «Pour la stabilité de la démocratie, il faut vite mettre cet homme hors d’état de nuire, car il va tout détruire dans la pagaille.»