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Libération
Dans le lard

Carole Delga vante la «gauche cassoulet» pour regagner l’électorat populaire

Pour sa rentrée politique dans le terroir audois, la présidente de la région Occitanie a loué la «gauche qui travaille» contre «la gauche caviar», en continuant de jouer sa propre partition en dehors de la Nupes.
Carole Delga lors des Rencontres de la gauche à Bram (Aude), le 1er octobre. (Ulrich Lebeuf/Myop pour Libération)
par Stéphane Thépot, correspondant à Toulouse
publié le 1er octobre 2023 à 18h59

«Bram c’est loin, mais c’est vrai», lance Carole Delga dans cette petite ville du Lauragais. Pour la troisième année consécutive, la présidente de la région Occitanie a fait sa rentrée politique entre Carcassonne et Castelnaudary, dans l’Aude. L’occasion pour cette figure désormais incontournable du parti socialiste de mettre en avant sa «conscience sociale et territoriale». Dans un long discours de 45 minutes, servi en entrée de l’inévitable cassoulet, elle nourrit l’image d’une bosseuse qui s’active à rassembler son camp, «loin du tumulte politicien» des élites «déconnectées des préoccupations du peuple». Loin aussi de la «condescendance» que Delga détecte lorsque la «gauche cassoulet» est moquée. Elle s’en dit «fière», à mille lieues de «la gauche caviar ou celle qui vend des salades».

Succès garanti sous les platanes du grand parc qui a servi à ses invités près de 1 800 portions, soit de ce plat emblématique du Sud-Ouest, soit de lasagnes végétariennes en plat de substitution. L’élue socialiste, qui n’a jamais caché son peu de goût pour l’accord électoral passé avec La France insoumise sous l’étendard de la Nupes, en rajoute une louche en se réclamant de «la gauche qui travaille» plutôt que «celle qui braille». Mais en prenant soin de taper en priorité sur Marine Le Pen et l’extrême droite, «une voie sans issue» pour un peuple en colère. «Il faut écouter les Français, les Gilets jaunes et ceux qui manifestaient contre la réforme des retraites», dit Carole Delga. «Ils veulent une République en commun», assure-t-elle. C’est justement le nom de son nouveau micro-parti, ça tombe bien.

«Radicalité d’action, pas de posture»

La présidente de la région Occitanie veille toutefois à ne pas s’aligner dans la course à la démagogie avec Laurent Wauquiez, qui a annoncé ce week-end le retrait de la région qu’il dirige, l’Auvergne-Rhône-Alpes, de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols, très critiquée par les élus locaux. «Je n’ai pas été surprise, mais je ne partage pas sa position», confie celle qui préside l’Association des régions de France, lors d’un rapide point presse avant de monter sur scène.

Dans son discours, Carole Delga se rapproche ostensiblement du Parti communiste français en réclamant une taxe européenne sur les «superprofits pétroliers» pour financer un prix régulé du gaz et de l’électricité. Cap à gauche, elle sort aussi de sa poche l’«ISF climatique» qui pourrait rapporter 50 milliards d’euros par an, selon ses calculs. L’élue d’Occitanie se veut «radicale», mais dans «une radicalité d’action, pas de posture». Elle se revendique d’une «écologie positive» mais se déclare opposée à «une décroissance punitive».

Ne pas se limiter à son image d’anti-Nupes

Karima Delli figurait parmi les invités à Bram, mais l’eurodéputée Europe Ecologie-Les Verts s’est décommandée à la dernière minute en raison du soutien de Carole Delga à la future autoroute A69 entre Toulouse et Castres. «Si on n’avait pas mis son nom sur le programme, elle serait venue», assure l’entourage de Delga. Quelques opposants à l’A69 ont réussi à se glisser parmi les convives. «J’ai payé ma place, mais je ne resterais pas pour le cassoulet», dit Anne Tapie. Ancienne élue municipale de Teulat (Tarn) qui combat le chantier, elle tente d’engager la discussion à la sortie de l’atelier «action climatique» animé par Laurent Joffrin.

Trois barnums ont été installés dans le parc pour abriter des débats dans la matinée. D’autres discussions sont délocalisées dans des salles du village à quelques minutes à pied. Les intervenants ont été choisis pour démontrer la volonté d’ouverture de la présidente de région, soucieuse de ne pas se limiter à son image d’anti-Nupes. Elle assure avoir invité Manuel Bompard, mais le député insoumis des Bouches-du-Rhône (qui avait tenté d’être élu, sans succès, aux législatives de 2017 en Haute-Garonne) avait d’autres obligations.

Carole Delga serait-elle prête à se tourner vers François Ruffin, l’an prochain ? «Tout le monde peut venir à Bram, membre d’un parti ou pas. J’ai veillé à ne pas inviter seulement des politiques aux tables rondes», rétorque-t-elle. Certains, comme l’économiste Jacques Attali ou l’ex-ministre socialiste de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem, interviennent en visioconférence. C’est aussi par écran interposé que Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre de François Hollande et pourfendeur de la Nupes, a fait une apparition samedi dans le «jardin» audois de Carole Delga à l’occasion d’un débat sur «l’esprit Charlie». C’est vrai, Bram c’est bien, mais c’est loin.