Devant la troupe de caméras et de photographes présents pour ce conseil municipal si spécial, François Bayrou est arrivé à Pau sous les applaudissements de sa large majorité, lundi 16 décembre. Pendant plus de trois heures, le maire-ministre a fait le service après-vente de son choix de conserver son mandat de maire, commencé en 2014, malgré sa nomination comme Premier ministre. Un mandat qui lui garantit un «enracinement» local, trop rare chez les responsables nationaux selon lui. «Les futurs membres de mon gouvernement, je leur suggérerais de conserver leur mandat. Et je suggérerais aux autres qui ne sont pas responsables, de mettre en place une petite antenne chacun sur leur terrain, chacun dans leur ville, pour qu’ils ressentent cette respiration», a-t-il même lancé aux élus de sa ville.
Une annonce qui peut surprendre alors qu’il fût un grand défenseur du mandat unique jusqu’à présent. «On ne peut pas interdire [le cumul des mandats] pour les députés et l’accepter pour les membres du gouvernement, donc je suis pour l’interdiction de tout mandat quand on est ministre», avait-il même lancé, en 2012, au forum Elle à Sciences Po. Une règle qui s’appliquait tacitement depuis 1997. La controverse est d’autant plus houleuse que ce conseil municipal l’a obligé à suivre une réunion de crise sur la situation à Mayotte par visioconférence, provoquant les critiques de ses opposants, qui pointent l’incompatibilité de ses deux postes.
Le billet de Jonathan Bouchet-Petersen
Profitant de la surmédiatisation de ce conseil municipal particulier, l’opposition n’a pas épargné le maire-ministre et sa décision. «Ne voyez-vous pas le caractère ridicule et désolant de cette situation de vous trouver ici alors que vous acceptez, je dirais même exigez, des fonctions qui réclament votre plein investissement», a lancé en début de conseil le socialiste Jérôme Marbot, chef de file de l’opposition.
«Une image déplorable renvoyée à nos concitoyens»
Contacté ce mardi 17 décembre par Libération, il déplore une nomination «désolante», tant sur le plan national que local, confirmation «que Macron ne tient pas compte du suffrage de juin» des dernières législatives. Mais il dénonce surtout le choix de François Bayrou de venir à Pau, plutôt que de se rendre à Mayotte, dévasté par le cyclone Chido. Et déplore le choix du Premier ministre de remettre la question du cumul des mandats sur la table. «Dans la situation de crise politique, institutionnelle, démocratique et financière, sa première déclaration concerne le cumul des mandats : c’est à la fois un contresens historique et une image déplorable renvoyée à nos concitoyens», n’épargne par Jérôme Marbot.
Décryptage
Tout au long du conseil municipal, l’opposition, qui a refusé de se lever à l’arrivée du maire contrairement à la majorité, a martelé ses critiques envers l’obstination de François Bayrou de conserver son mandat local. «C’est une faute politique, votre première mission, monsieur Bayrou et monsieur le Premier ministre, c’est de prendre l’avion, d’aller à Mayotte», a fustigé Tuncay Cilgi, conseiller municipal d’opposition (Gauche démocratique et sociale), estimant que le Premier ministre n’était pas à sa place. Organisé pour voter le budget, le conseil municipal aurait pu être déplacé selon sa collègue Marion Bussy (Gauche démocratique et sociale). «Il n’y a pas urgence à voter un budget pour la ville de Pau quand la France elle-même n’a pas pu voter son budget», a-t-elle lancé non sans ironie.
«Comme si les problèmes des Français étaient différents suivant que l’on parle localement ou nationalement»
Face aux attaques des neuf élus de l’opposition, le ministre a pu compter sur son premier adjoint (MoDem) Jean-Louis Péres pour venir le sauver, louant la «riche expérience à la fois locale et à la fois nationale de Paris», de l’ancien candidat à la présidentielle. «Quand j’entends dire que l’un est incompatible avec l’autre je ne le comprends pas, comme si les problèmes des Français étaient différents suivant que l’on parle localement ou nationalement», a ajouté l’élu palois, qui aurait pris le siège de François Bayrou si ce dernier avait démissionné.
Si François Bayrou reste le maire de Pau pour le moment, il a tout de même réorganisé son équipe pour qu’elle fonctionne en son absence. Tous les adjoints auront des responsabilités complémentaires et son premier adjoint aura une délégation générale de ses attributions. Si le cumul de la fonction de Premier ministre et du mandat de maire est vivement critiqué, elle n’est toutefois pas interdite par la loi.