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Libération
Kompromat

Chantage, escort boy et guet-apens entre élus à la mairie de Saint-Etienne: une plainte déposée

«Mediapart» révèle comment un élu de la majorité municipale de Saint-Etienne a fait chanter un maire adjoint en utilisant une vidéo compromettante. L’avocat de ce dernier annonce déposer plainte pour «guet-apens en bande organisée financé par des fonds publics».
Samy Kéfi-Jérôme, conseiller régional d'Auvergne-Rhône-Alpes et adjoint au maire de Saint-Etienne, est visé par une plainte notamment pour «guet apens en bande organisée», menaces et chantage. (REA)
publié le 27 août 2022 à 18h18
(mis à jour le 29 août 2022 à 14h18)

C’est un scénario digne d’un film d’espionnage qu’a mis au jour Mediapart. Un film poisseux, qui se passerait à Paris et Saint-Etienne. Le site d’investigation révèle que, pendant des années, Gilles Artigues, adjoint au maire de la ville-préfecture de la Loire, a subi un chantage de la part d’un autre élu de sa propre majorité, Samy Kéfi-Jérôme, et de son compagnon de l’époque, Gilles Rossary-Lenglet.

Tous deux auraient, fin 2014, loué les services d’un escort boy, et placé une caméra dans une chambre d’hôtel parisienne pour filmer son rendez-vous avec Gilles Artigues. «Le conseiller municipal centriste, père de famille très impliqué dans la communauté catholique, a ensuite subi un chantage pour que cette vidéo compromettante ne soit pas divulguée», écrit Mediapart. En parallèle, Samy Kéfi-Jérôme s’est fait une carrière politique : «adjoint chargé de l’éducation et de la jeunesse à la mairie de Saint-Étienne, mais aussi conseiller régional délégué dans l’exécutif de Laurent Wauquiez, après en avoir été le vice-président, à la tête de la région Auvergne-Rhône-Alpes.» La méthode est inspirée de celle du KGB appelée kompromat.

Contacté par Le Monde, l’avocat de Gilles Artigues, Me André Buffard, affirme ce samedi qu’il va déposer plainte contre X et contre Samy Kéfi-Jérôme en début de semaine pour «guet-apens en bande organisée financé par des fonds publics», «non-dénonciation de délit ou crime», menaces et chantage. Il dit avoir des preuves, des menaces reçues par son client sur la divulgation de cette vidéo. Selon Me André Buffard, Gilles Artigues aurait été invité dans la chambre de Samy Kéfi-Jérôme «pour un motif futile. […] Il ne se souvient ensuite de pas grand-chose». Sur la bande vidéo, on peut voir Samy Kéfi-Jérôme présenter l’escort boy à Gilles Artigues avant de s’éclipser.

Le maire de Saint-Etienne nie être au courant

L’implication du maire (LR) de Saint-Etienne, Gaël Perdriau, dans cette affaire est en question. Gilles Rossary-Lenglet affirme que l’édile ainsi que son directeur de cabinet «ont mandaté Samy pour montrer la courte vidéo». «Gilles Artigues, 57 ans, militant chrétien-démocrate passé par le MoDem et l’UDI, et Gaël Perdriau, 50 ans, pur produit de la droite UMP (LR aujourd’hui), travaillent ensemble depuis 2014 mais n’ont jamais été proches. Les deux hommes, mus par la même ambition de diriger la ville de Saint-Etienne, sont en réalité liés par une alliance de circonstance, marquée par la défaite de la droite aux municipales de 2008», explique Mediapart.

Le Monde a demandé une réaction à Gaël Perdriau. Il dit vouloir «comprendre tous les tenants et les aboutissants de ce dossier» mais «conteste fermement toute notion de chantage qui serait liée aux décisions que Gilles Artigues a prises récemment au sein de l’équipe municipale» et nie avoir vu la vidéo au cœur de cette affaire, malgré des éléments avancés par Mediapart prouvant le contraire. Une plainte pour «chantage aggravé» a été déposée ce lundi contre le maire stéphanois par Gilles Artigues après ces révélations de Mediapart. Quant à Samy Kéfi-Jérôme, il a refusé de répondre au site d’investigation en arguant de la protection de la «vie privée».

«Je sais que j’ai fait des choses répréhensibles»

Gilles Rossary-Lenglet avance que Samy Kéfi-Jérôme et lui-même auraient touché des sommes d’argent via des subventions municipales. Gilles Rossary-Lenglet aurait, notamment, agi en raison des positions conservatrices de Gilles Artigues sur les questions de société. «En 2005, alors qu’il était député UDF (2002-2007), l’élu centriste avait par exemple publiquement contesté une campagne publicitaire pour un salon gay, faisant valoir la nécessaire «protection des mineurs» dans l’espace public», rappelle Mediapart. Gilles Rossary-Lenglet et Samy Kéfi-Jérôme auraient donc décidé de l’attaquer sur son intimité.

Aujourd’hui, les deux hommes ne sont plus ensemble et Gilles Rossary-Lenglet, sans emploi, diminué par des problèmes de santé et éloigné de la vie publique, assure auprès de Mediapart n’avoir «plus rien à perdre». Quitte à s’auto-incriminer. «Je sais que j’ai fait des choses répréhensibles, je ne prétends pas être quelqu’un de bien, mais je souhaite que les choses se sachent, que l’omerta cesse, pour montrer que ces pratiques existent en France», justifie Gilles Rossary-Lenglet.

Mise à jour: cet article a été actualisé à 14h18, avec mention de la plainte pour «chantage aggravé» déposée contre Gaël Perdriau