Pop-corn ! A chaque jour suffit sa peine et pourtant… Chez Les Républicains, le surréalisme n’en finit plus. Destitué de son poste de président du parti, à l’issue d’un bureau politique et d’une journée ubuesque, mercredi, Eric Ciotti s’est affiché jeudi 13 juin dans son bureau au siège du mouvement, ce jeudi à la mi-journée. Avant de filer déjeuner avec Jordan Bardella et Marine Le Pen, ses nouveaux alliés pour les législatives anticipées, l’ex-député des Alpes-Maritimes s’est montré aux fenêtres de l’immeuble du siège parisien LR, à deux pas de l’Assemblée nationale : «Je travaille !»
A l’intérieur, derrière les vitres de l’entrée, des silhouettes passent. Une salariée arrive avec un carton. D’autres ont posé des congés ou sont en télétravail. Mercredi, la nouvelle présidente par intérim du parti, Annie Genevard, avait repris le contrôle des lieux, sortant de sa poche un double des clés. Ciotti a-t-il retrouvé tous les accès ? «Presque», s’amuse le roitelet déchu depuis son bureau, sans craindre le ridicule. Il est venu avec un huissier pour constater le nombre de salariés du mouvement obéissant encore à ses ordres… Le sketch s’accompagne d’une vidéo postée sur son compte personnel X, le montrant seul dans son bureau, sans ordinateur ni parapheurs, mais avec un message : «Au travail pour la France.» En bas du bâtiment, un salarié hésite entre la pitié et l’ahurissement. «On aurait dit Ceausescu ou Kadhafi. C’est de la propagande, un mec obligé de se montrer au travail… Il a été pris dans la panique. Ça se voit dans les yeux.» Un des derniers fidèles de l’ex-patron, croisé sur le trottoir, joue le même refrain de la base militante en bloc derrière l’alliance avec l’extrême droite : «Nos boîtes mails sont saturées.»
Au travail pour la France ! 🇫🇷 pic.twitter.com/rtOwR4WfkP
— Eric Ciotti (@ECiotti) June 13, 2024
L’ex-président conteste toujours la légalité du bureau politique qui a validé son exclusion mercredi. Arrivant au siège dans la matinée, il a rejoué face aux caméras René Magritte et sa célèbre pipe : «Il n’y a pas eu de bureau politique hier. C’est une réunion de personnes qui se sont réunies elles-mêmes hors de tout cadre.» Et Ciotti d’affirmer que le tribunal de Paris a été saisi en référé pour contester la légalité du bureau politique… Picrocholine, la bisbille juridique concerne l’aval nécessaire d’un quart des conseillers nationaux du mouvement pour la tenue du bureau politique. Ciotti nie en avoir été informé. Son recours sera examiné vendredi à 11 heures et la décision rendue quelques heures après. Le même jour aura lieu un second bureau politique, initialement prévu jeudi. Objectif ? Valider l’exclusion de Ciotti – et, avec elle, celle de Guilhem Carayon, le patron des Jeunes LR.
Ciotti et Bolloré parlent «union des droites»
Chez LR, l’alliance annoncée par le frontiste converti vire de jour en jour à la farce. Les LR «canal historique» jurent que le bureau politique est dans les clous. «Nous avons très largement recueilli plus du quart des signatures des conseillers nationaux LR qui maillent le territoire national, démontrant que les cadres, les militants et les adhérents ne cautionnent pas un accord avec le RN», se sont fendu les rebelles dans un message envoyé dans la matinée. Sur France 2, Ciotti déversait un peu plus tôt tout le mal qu’il pensait de ses anciens camarades, des «vieux politicards», «ceux qui ont fait perdre la droite depuis des décennies». Des plateaux de télévision à ses bureaux, Ciotti est désormais trimballé par un chauffeur de la Questure. Le sien, salarié par le parti, ne lui répond plus. Une entorse au règlement du Palais-Bourbon ? «Le chauffeur, informe une source parlementaire, on ne l’utilise pas pour aller se balader ailleurs !»
Alors que les députés LR sortants se tiennent à mille lieues de la folie de l’état-major, labourant leur circonscription pour les scrutins du 30 juin et du 7 juillet, les briques du scénario du ralliement de Ciotti à Le Pen s’empilent. Le Niçois aurait ainsi, selon le Monde, rencontré le milliardaire Vincent Bolloré avant de pactiser avec le RN. Devant le propriétaire de CNews, Paris Match, Europe 1 et le Journal du dimanche, Ciotti a imaginé l’accord actant «l’union des droites». Invité mercredi soir sur CNews, Ciotti ne l’a pas évoqué, parlant seulement d’un «choix inédit» : «On va essayer quelque chose de nouveau, important, qui est inédit dans l’histoire de France depuis quarante ans.» Face à lui, la journaliste Christine Kelly acquiesce : «Eh oui…»
Il a également, rapporte Nice-Matin, échangé lundi avec Jordan Bardella et Marion Maréchal entre les murs de l’Institut de formation politique (IFP), école privée où grenouillent de jeunes gens bien à droite, partisans de la fin du cordon sanitaire. Le patron de la boutique, Alexandre Pesey, jure à Libération que c’est une rumeur «bidon». Avant de préciser qu’il n’est pas le seul à détenir les clés des locaux, dans le XVIe arrondissement de Paris. Encore une histoire de trousseaux.
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