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Libération
Extrême droite

Cocarde repérée, insultes racistes, revendication identitaire… Ce que l’on sait de l’agression d’un maire à Avignon

Le maire du Péage-de-Roussillon (Isère), André Mondange, a porté plainte ce dimanche 24 décembre après l’attaque que lui et sa famille ont subie à Avignon, dans la nuit de jeudi à vendredi, qu’il attribue à des individus d’extrême droite.
André Mondange, lors de son passage sur BFM TV samedi 23 décembre 2023. (Capture BFM TV)
publié le 24 décembre 2023 à 9h43
(mis à jour le 24 décembre 2023 à 17h53)

Un palier supplémentaire de libération de la violence d’extrême droite semble avoir été franchi : un maire pris à partie en pleine rue pour sa fonction et ses idées, par des nationalistes décomplexés. André Mondange, élu de gauche d’une commune de l’Isère, a déposé plainte ce dimanche 24 décembre après avoir été agressé en compagnie de plusieurs membres de sa famille à Avignon (Vaucluse) dans la nuit de jeudi à vendredi. Libé fait le point.

Les faits

André Mondange «a été agressé dans le secteur d’Avignon dans la nuit du 21 au 22 décembre alors qu’il était en déplacement dans un cadre privé», a déclaré la préfecture de l’Isère sans autre précision sur le lieu ou l’heure de l’agression. Le maire divers gauche de la ville du Péage-de-Roussillon se trouvait dans la cité papale afin de célébrer la thèse d’histoire obtenue par son neveu, selon le Dauphiné Libéré. Après la soutenance, le petit groupe familial est allé se réjouir dans un bar de la rue des Teinturiers, dans la vieille ville.

«Il portait une cocarde», l’insigne bleu blanc rouge au niveau du col de son manteau, «et des gens sont venus lui demander ce que signifiait l’insigne qu’il portait, ce à quoi il a alors répondu que c’était un insigne de maire», précise la préfecture. Toujours d’après cette source, en réaction, «des individus s’en sont alors pris à lui et aux personnes qui étaient avec lui, en tenant des propos racistes».

Interrogé sur BFM TV samedi, André Mondange a donné davantage de détails. Au moment où le débit de boissons ferme ses portes, deux importuns reviennent et lui demandent son «appartenance politique». Le maire répond alors que «ce n’était pas le lieu de parler de ça» et les autres haussent le ton. «Ils m’ont dit : ‘‘Il y a de grandes chances que vous soyez de gauche’’», poursuit-il.

Les individus s’adressent ensuite à la fille de l’élu, métisse, et profèrent «sans ambiguïté des propos racistes», toujours selon le récit d’André Mondange. «Ils ont dit qu’elle n’était pas légitime d’être en France. L’un d’eux a crié être nationaliste identitaire.»

D’après le Dauphiné Libéré, quatre autres hommes viennent ensuite prêter main-forte aux deux premiers. L’un des six agresseurs tente de frapper la nièce du maire, avant qu’une bagarre n’éclate. L’élu s’interpose avec «son frère et ses cousins» pour «protéger le groupe familial», en particulier «un enfant». «On était en danger» face à des coups portés «à main armée», avec «une bouteille», souligne-t-il. Lui est touché à l’œil, avant que les assaillants finissent par quitter les lieux.

La procédure

Le maire du Péage-de-Roussillon et sa fille ont porté plainte ce samedi à la gendarmerie de Roussillon (Vaucluse), d’après le Dauphiné Libéré. «Le sous-préfet de permanence a pris contact avec lui» et un «accompagnement a été mis en place», souligne la préfecture. Une enquête judiciaire a été ouverte, selon la préfecture du Vaucluse.

La préfecture de l’Isère déclaré ce dimanche n’avoir «aucun élément véritablement qui relève de la caractérisation des faits pour l’instant», ce que «le fruit de l’enquête» permettra d’établir.

Les agresseurs sont toujours recherchés à cette heure.

Les réactions

«Tout cela montre le danger de l’extrême droite. Si certains n’étaient pas convaincus, ces gens-là sont dangereux. Tous les démocrates ne doivent cesser de lutter contre ces idées», a martelé le maire de gauche. Ce dernier dénonce également la «banalisation» de la violence, avec les élus en «première ligne».

De nombreuses personnalités politiques, de gauche comme de droite, ont aussi témoigné principalement sur X (ex-Twitter) leur soutien à l’élu en condamnant l’agression.

Le préfet de l’Isère Louis Laugier a condamné «avec fermeté l’agression d’André Mondange» dans un message publié sur X (ex-Twitter). Il «apporte tout son soutien au maire et à ses proches devant cette épreuve, face à cet acte inacceptable». Le député de l’Isère Yannick Neuder (LR) a de son côté affirmé dans un message publié sur son compte Facebook que «le maire est très affecté par le caractère raciste de l’agression ciblant initialement ses proches» et avoir «immédiatement pris contact avec lui». Son message sur X est accompagné d’une photographie de l’élu, le visage tuméfié au niveau de l’œil droit.

«Le motif ? être de gauche et avoir une fille métisse. Les loups sont lâchés et se croient désormais légitimés par la force du RN et l’abdication du pouvoir», a écrit le dirigeant du parti socialiste Olivier Faure. Pour le maire écologiste de Grenoble Eric Piolle, «cette nouvelle agression» est «révoltante et inquiétante». «Racisme, violence et antirépublicanisme : voilà la réalité de l’extrême droite !», a-t-il dénoncé. Même colère pour le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel : «Les élus sont en première ligne face à cette insoutenable violence ! La condamnation doit être à la hauteur !», déclare

A droite aussi, le président de l’Association des maires de France et maire LR de Cannes, David Lisnard, a dénoncé «une fois encore, un maire fait face à un déchaînement de violence, y compris contre ses proches. Les agresseurs doivent comprendre que de tels actes ne seront plus jamais impunis». Laurent Wauquiez, le président LR du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, a regretté dans un communiqué «l’abjection des propos et la lâcheté des individus doit nous rappeler que les extrêmes demeurent une menace à laquelle la justice doit répondre sans faillir».

Les précédents

Les violences contre les élus sont un sujet sensible qui a pris de l’ampleur ces derniers mois, en particulier de la part de sympathisants de l’extrême droite. Les maires de Saint-Brevin (Loire-Atlantique) et de Callac (Côtes-d’Armor) ont été ciblés, pour des projets d’accueil de familles d’exilés.

Plus largement, une adjointe du maire de Saint-Denis, chargée de la lutte contre les discriminations, a été frappée cette semaine dans la rue par plusieurs individus, dans ce que la mairie de gauche estime être une «agression étroitement liée» à sa fonction. Cet été, une attaque à la voiture-bélier avait visé le domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) lors des émeutes urbaines.

Selon le ministère de l’Intérieur, les agressions envers les élus devraient augmenter de 15 % en 2023, après une hausse de 32 % l’an dernier.

Mise à jour : à 17 h 52, avec l’ajout de l’ouverture d’une enquête, la déclaration de la préfecture de l’Isère, ainsi que les réactions d’Olivier Faure, Eric Piolle, Fabien Roussel, David Lisnard et Laurent Wauquiez.