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Colère des agriculteurs : les oppositions pilonnent le gouvernement à l’Assemblée

Les agriculteurs en colèredossier
Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a essuyé les critiques venues de tous les bancs de l’opposition, ce mardi à l’Assemblée nationale. Gabriel Attal a de son côté fustigé «les larmes de crocodiles» de la gauche.
Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, ce mardi à l'Assemblée nationale. (Bertrand Guay/AFP)
publié le 23 janvier 2024 à 17h14

«Ils veulent nourrir, pas mourir.» Les députés, à l’image de Sébastien Jumel, élu communiste de Seine-Maritime, ont relayé ce mardi 23 janvier la colère des agriculteurs dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. La mobilisation agricole s’étend partout en France, contre l’inflation, les contraintes normatives ou l’agribashing. Le mouvement a été endeuillé par la mort d’une agricultrice de 36 ans, ce mardi matin, renversée par un automobiliste à un blocage routier à Pamiers (Ariège). Sa fille de 12 ans, grièvement blessée dans l’accident, mourra dans la soirée. «Nous sommes tous paysans», a déclaré en signe d’hommage et de soutien le socialiste Dominique Potier, lui-même agriculteur, sous les applaudissements des députés.

Alors que le groupe communiste avait réclamé une minute de silence au Palais-Bourbon – demande refusée faute de consensus –, l’ensemble des parlementaires ont évoqué le drame, avant de viser le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. La gauche a défendu les conditions de vie des paysans en même tant que la transition écologique. «Nous refuserons toujours, même si ce n’est pas populaire, d’opposer écologie et économie», a assuré Potier. Le député socialiste a également défendu l’Europe, alors que le Rassemblement national tente de capitaliser sur la colère du monde agricole en ciblant l’Union européenne. «La prospérité de l’agriculture française s’est faite dans le cadre de l’Union européenne, et c’est par l’Union européenne que nous retrouverons la prospérité de l’agriculture française», a argué l’élu de Meurthe-et-Moselle.

«Sentiment de relégation, de mépris et de déclassement»

Ouvrière agricole en Ille-et-Vilaine, sa collègue (LFI) Mathilde Hignet a chargé, elle, les «industriels [qui] se gavent alors qu’au bout de la chaîne les agriculteurs et les consommateurs se font asphyxier avec la complicité du gouvernement». Une critique de la loi Egalim concernant la rémunération des agriculteurs dans le cadre des négociations avec la grande distribution et les industriels. La gauche a également dénoncé les accords de libre-échange, symboles d’un «libéralisme débridé», selon la députée écologiste Marie Pochon : «Est-ce qu’on veut vraiment être compétitif avec les fermes brésiliennes qui détruisent l’Amazonie ?»

Au banc, attaqué de toutes parts, le ministre Marc Fesneau a appelé la gauche à «faire son examen de conscience». «J’entends des agriculteurs qui en ont marre qu’à longueur de plateaux, de reportages, […] vous négligiez leur travail», a tancé l’ancien maire de Marchenoir (Loir-et-Cher). Sous les huées de la gauche, il a évoqué un «sentiment de relégation, de mépris et de déclassement» qui touche les agriculteurs.

«De colère en colère»

Le Premier ministre a lui aussi défendu cette «France qui se lève aux aurores chaque jour», avant de répliquer aux oppositions. «Parfois vos larmes pour les agriculteurs ressemblent à des larmes de crocodiles, a balancé Gabriel Attal aux bancs de la gauche. A chaque problème, vous répondez par une norme.» Avant de charger le Rassemblement national et «ceux qui butinent de colère en colère». «Vous n’êtes jamais en retard d’une démagogie ou d’une récupération», a-t-il ainsi répondu au député Grégoire de Fournas (RN), qui s’affichait ce week-end dans le Médoc aux côtés de Jordan Bardella, le patron du RN.

L’élu de Gironde a accusé le gouvernement d’avoir soutenu le traité de libre-échange approuvé entre l’UE et la Nouvelle-Zélande. Les vignerons de Gironde «ont besoin d’échanges commerciaux», a plaidé en face Fesneau et «d’être accompagnés dans la compétitivité et non pas d’être enfermés dans l’autarcie».

Interrogé sur le trop-plein de normes dénoncé par les agriculteurs, le gouvernement s’est dit ouvert à «toutes les propositions» lors de l’examen du projet de loi sur l’agriculture, reporté de quelques semaines. Face aux députés, Fesneau a également évoqué «la surcharge de normes, […] qui pèse sur le moral des agriculteurs». «Il y a des surtranspositions qui ont mis les agriculteurs français en situation de risque et de déloyauté de concurrence par rapport à leurs collègues européens», a pointé l’élu Modem. Et la droite et l’extrême droite, entre deux huées, d’accuser le gouvernement d’impuissance face à cette «surcharge».