Le vote des élections sénatoriales, qui se tient dimanche 24 septembre, se différencie des autres par son mode de scrutin, à la fois indirect et double (majoritaire ou proportionnel selon le nombre d’habitants des départements) et son corps électoral, composé d’élus. Ce sont eux, les «grands électeurs», qui élisent les membres du palais du Luxembourg pour un mandat de six ans.
Le vote est obligatoire : ne pas y prendre part les expose à une amende de 100 euros. Le collège électoral se compose des députés et des sénateurs, des conseillers régionaux, des conseillers départementaux et de conseillers municipaux. Ces derniers représentent 95 % des quelque 78 000 «grands électeurs» du cru 2023.
Tournée des mairies
Renouvelé de moitié tous les trois ans, le Sénat est donc élu d’abord par les communes, et notamment les communes rurales, qui sont toujours surreprésentées. Celles-ci désignent en effet, proportionnellement à leur population, davantage de grands électeurs que les villes urbaines pourtant plus peuplées. Depuis 1958, cette donnée a toujours avantagé la droite, mieux implantée dans ces territoires. «La France est composée de milliers et de milliers de communes. A ce fait on ne peut rien dire, car c’est un fait français et un des aspects fondamentaux de notre sociologie», assumait en 1958 Michel Debré, alors ministre de la Justice.
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Pour les sénateurs rééligibles, la campagne consiste donc à faire la tournée des mairies du département, pour séduire ce drôle d’électorat que sont les conseillers municipaux. Affaire d’entre-soi et d’initiés, l’élection ne donne lieu à aucun débat à la télévision, aucune baston publique entre candidats ou tractages sur les marchés. Le scrutin reste donc largement hors des radars médiatiques. Public Sénat estime qu’«un certain renouvellement semble se profiler» puisque selon son décompte, «au moins 39 sénateurs ne se représentent pas» parmi les 170 sièges à pourvoir sur les 348 que compte l’hémicycle.
Les petits départements comptant une population faible élisent un ou deux sénateurs. Le scrutin est majoritaire et à deux tours. Les candidatures peuvent être individuelles ou regroupées sur une liste. Si aucun candidat n’obtient la majorité absolue (soit plus de 50 % des voix), un second tour est organisé le jour même. Dans ces départements, seul l’ancrage compte, les états-majors partisans ayant peu de prises sur les candidats. «Les sénateurs se foutent de la désignation des partis, commente un influent sénateur. Un mec qui dirige le conseil départemental, on lui met quelqu’un en face, il y va quand même. Et il est élu !» Trente-quatre sièges sont à pourvoir dans ces petits départements.
«Ici, point de démagogie ni de promesses vagues»
En revanche, dans ceux qui élisent au moins trois sénateurs, l’élection se fait obligatoirement sur liste et à la proportionnelle, ce qui signifie que les sièges sont répartis selon les résultats du tour unique de scrutin. La parité y est obligatoire. Vingt-sept départements sont concernés pour l’élection du 24 septembre, dans lesquels 136 sièges sont à pourvoir. Dans ces territoires, les candidats connaissent, pour la plupart, leur lot de grands électeurs, déjà clairement identifiés.
Dans les deux cas, la campagne se fait à coups d’arguments rodés, de connaissance des préoccupations locales et de gueuletons, où l’on parle peu de politique nationale, mais beaucoup des intérêts locaux – la désertification médicale, la taxe d’habitation, une ligne à grande vitesse promise depuis belle lurette, etc. «Ici, point de démagogie, de déclarations incendiaires ni de promesses vagues, écrivait dans ses mémoires Alain Poher, sénateur durant près d’un demi-siècle et président de la République par intérim, après la mort de Georges Pompidou, en 1974. On discute ferme, on argumente, on se prononce sur dossiers.» Ce qui n’exclut pas, toutefois, les combines autour des investitures, les jeux d’influence des barons locaux et les petites vacheries.
Mise à jour dimanche 24 septembre, jour des élections sénatoriales.