Le Premier ministre ne souhaitait faire «aucun commentaire sur une décision de justice». Pourtant, sa réaction a fait le tour de la presse française au travers de son entourage. Ce lundi 31 mars, François Bayrou a été «troublé par l’énoncé du jugement» de cinq ans d’inéligibilité avec effet immédiat à l’encontre de la cheffe de file du Rassemblement national, Marine Le Pen, compromettant sa candidature à l’élection présidentielle de 2027. Le chef du gouvernement peut se ressentir du fait qu’il ait lui-même été confronté à ces accusations, dont il a été relaxé l’an dernier en première instance. Le parquet a néanmoins fait appel, et, à ce jour, la date de la prochaine audience n’a pas encore été fixée.
«Accusation injuste»
François Bayrou avait déjà fait part de ce que lui inspiraient les mésaventures judiciaires du Rassemblement national. En janvier, le Premier ministre avait estimé que ces procès visant le Modem comme le Rassemblement national étaient fondés sur «une accusation injuste», imitant ainsi les éléments de langage des élus d’extrême droite, pour qui la justice serait instrumentalisée afin d’éliminer des opposants politiques. Il avait aussi considéré comme «très dérangeant que des jugements soient prononcés sans qu’on puisse faire appel», référence cette fois au fait que le jugement soit exécutable immédiatement.
Reportage
Un discours repris par son numéro 2 au Modem Marc Fesneau, qui a de son côté estimé dans la foulée du jugement que la loi pouvait «légitimement interroger le législateur». «Peut-on condamner en première instance un élu avec exécution immédiate de sa peine, au risque de le condamner définitivement, avant toute forme d’appel ?», s’est-il demandé dans un communiqué, appelant à en débattre le cas échéant «dans le cadre du Parlement», sans remise en cause de «notre Etat de droit». Le chef des députés centristes a tout de même souligné qu’il n’appartenait «pas aux élus de remettre en cause des décisions de justice».
«Troublé par ce trouble»
La réaction de François Bayrou n’a pas laissé indifférent le patron du Parti socialiste Olivier Faure, qui s’est dit «troublé par ce trouble primo-ministériel». Et de constater, sur X : «Visiblement le respect de la loi, l’Etat de droit, la séparation des pouvoirs, ne sont plus à l’ordre du jour au gouvernement». Loin des indignations de l’extrême droite et de l’inquiétude à droite, il a nuancé la condamnation, rappelant que Marine Le Pen «peut faire appel», «demeure députée» et que «le RN sera bien présent en 2027», pour la présidentielle.
L’ancien président socialiste François Hollande a également jugé sur BFMTV que le Premier ministre «n’a pas à être troublé» par le jugement à l’encontre de Marine Le Pen. «Quand on est Premier ministre dans une République et qu’on est le gardien de la loi, il faut […] accepter que les tribunaux puissent être garantis dans leur indépendance», a-t-il fait valoir. «Notre devoir, c’est de ne pas penser que les juges ont fait de la politique. Ils ont fait du droit», a-t-il insisté.
Décryptage
Marine Le Pen a été condamnée ce jour à une inéligibilité immédiate pour cinq ans dans l’affaire des assistants parlementaires européens. Elle a aussi écopé d’une peine d’emprisonnement de quatre ans dont deux ferme aménagés sous bracelet électronique et d’une amende de 100 000 euros. La patronne du Rassemblement national n’a pas de voie de recours contre l’application immédiate de son inéligibilité, mais son avocat a d’ores et déjà annoncé qu’elle ferait appel de sa condamnation.
Aucun ministre n’a réagi à cette décision qui provoque un séisme à deux ans de la présidentielle, alors que la leader du parti d’extrême droite était en tête dans tous les sondages pour le premier tour. Emmanuel Macron est lui aussi resté coi. Marine Le Pen, elle, doit s’exprimer à 20 heures, au JT de TF1.